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Robert Mapplethorpe

PMarguerite Pilven
@12 Jan 2008

Directeur artistique de Dior Homme, le photographe Hedi Slimane présente des photographies de Robert Mapplethorpe sélectionnées par affinités. Un portrait original de l’artiste à partir de thèmes qui lui sont chers.

On connaît l’obsession de Mapplethorpe pour le corps. Corps morcelé, objet de la pulsion scopique, ou pureté des corps tendus, dont la musculature athlétique est photographiée sur un fond neutre.
Cette fascination explique que l’artiste ait choisi ses modèles parmi les acteurs de la scène punk rock, genre musical ayant accordé une place décisive aux performances corporelles. Par son déhanché érotique, Elvis, le premier, précipitait le corps sur le devant de la scène, scandale qu’une Amérique puritaine s’empressa d’ailleurs de résoudre en filmant la star en plan américain!

Bien que non exclusivement composés de rock stars, les portraits ici exposés procèdent d’un même attrait de l’artiste pour l’allure de ses modèles. Postures arrogantes ou sensuelles, accessoires éloquents et sens de la mise en scène caractérisent ces prises de vues.

Les photographies de mode ont largement repris cette imagerie rock’n’roll porteuse de nouvelles attitudes, à commencer par Hedi Slimane lui-même dont les éphèbes au visage blafard vêtus de costumes signés Dior semblent parfois être sortis de quelques frasques nocturnes.

Des photographies comme celle de Tim Scott coiffant délicatement sa crête punk ou Clarissa portant une veste de costume évoquent l’attrait de Mapplethorpe pour les allures androgynes.
De ce point de vue, un des clichés les plus célèbres est celui réalisé en 1975 pour la pochette de l’album Horses de Patti Smith. La chanteuse y posait en dandy débraillé, veste négligemment posée sur l’épaule. Considéré à l’époque comme un suicide commercial, ce choix radical fera finalement l’objet d’une véritable fascination. «Confusion is sex» titrait le groupe Sonic Youth sur l’un de ses disques, affirmation que l’univers de la mode exploitera aussi largement.

Dans un ensemble de photographies réalisées dans les années 80, Mapplethorpe rompt cette relation au modèle pour construire des prises de vues plus intimes, fonctionnant comme des allégories.
L’austère photographie d’un crâne donne le ton de cette série lugubre, où l’on sent sourdre de façon diffuse et insistante l’angoisse de la mort.
On y retrouve le modèle Lisa Lyon, ex-championne de body building féminin, dont Mapplethorpe a, maintes fois, photographié le corps athlétique et vigoureux. Ce symbole charnel de puissance est ici mis en retrait, réduit à l’état d’ombre spectrale.

On ne peut s’empêcher de voir en ces photographies l’envers désenchanté d’une levée des tabous caractérisant l’ère post 68. Elles évoquent le deuil et la mélancolie d’une sexualité vécue de manière intense et affirmative sur laquelle ne planait pas encore la menace du sida.

Robert Mapplethorpe
— Gun Blast, 1985. Silver Print. 40,6 x 50,8 cm.
— Hand In Fire, 1985. Silver Print. 40,6 x 50,8 cm.
— Lisa Lyon, 1982. Silver Print. 40,6 x 50,8 cm.
— Lisa Lyon, 1982. Silver Print. 40,6 x 50,8 cm.
— Skull, 1988. Silver Print. 50,8 x 61 cm. Prêt du National Gallery of Scotland.
— Tarantula, 1988. Silver Print. 50,8 x 61 cm. Prêt du Guggenheim Museum, New York.
— Texas Gallery, 1980. Silver Print. 40,6 x 50,8 cm. 

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