PHOTO

Robert Gligorov

PFrédéric-Charles Baitinger
@12 Jan 2008

L’exposition du photographe Robert Gligorov marque un tournant: elle met en scène l’enterrement symbolique de la transgression et de la violence. En renonçant à pousser plus loin le jeu de la subversion et du passage à la limite, elle s’ouvre sur une nouvelle dimension poétique de l’image où le sentiment de deuil reste en attente d’une nouvelle annonciation.

Alors que Robert Gligorov avait fait de son travail une exploration systématique du dégoût, de la phobie, et de toutes les barrières que l’image publicitaire n’osait pas franchir, les jalons que posent ses nouveaux travaux marquent le passage d’un seuil, l’ouverture d’un chemin plus spirituel et solitaire.

Le signe de ce changement — sous la forme d’un oiseau — court d’une photo à l’autre comme le fil ténu d’une prochaine renaissance. Toujours menacé, toujours en danger de se faire happer par une bouche goulue, par des tentacules voraces, ou par le seul temps qui passe, l’oiseau Gligorov prépare son envol. Mais la mort plane au-dessus de lui et l’espoir sans cesse chancelle. Pourra-t-il à lui seul faire naître un nouveau printemps? Comment savoir avec certitude qu’il ne se transformera pas, au dernier moment, en oiseau de malheur, présageant une mort prochaine ou peut être même, déjà consommée?

Une chose est sûre: le temps du deuil a commencé. Un parfum de fin du monde flotte et innerve chacune de ses œuvres. Le signe de la paix s’est transformé en peloton d’exécution ou quatre revolvers se font face. L’annonciation faîte à Marie par l’Archange Gabriel porte un trou à son flanc droit. Partout, la surenchère de communication menace la contemplation directe et sincère. Bob Dylan lui-même, plus mort que vif, se fait porter en terre par un collège d’amis devenus mafieux. Tout est sur le point de s’effondrer sous le grand signe blanc qui traverse comme une flèche le ciel devenu noir et bleu. Sous une grande botte blanche, souillée de sang, l’oiseau frêle s’est fait écrasé.

Portant sur leur dos, la mort comme une charge, peut être allons-nous devenir comme ces escargots que Robert Gligorov fait descendre le long d’une voie sans issue? Ou bien pouvons-nous encore réagir et devenir aussi simples que les oiseaux et les lys des champs qui chantent et poussent toujours avec la même insouciance. Gardons pour nous la joie de penser que l’adversité ne ravit pas, mais procure l’espérance.

L’oiseau dans les cieux ne connaît Ni les tracas, ni le bonheur Tresser pour l’éternité De nid, il ne se soucie De longues nuits sur la branche il rêve Que la blanche aurore se lève L’oiseau à qui Dieu prête voix Frémit et se met à chanter Pouchkine, Les Tziganes.

Robert Gligorov
— Verra la morte, 2002. Tirage numérique contrecollé sur aluminium et plexiglas. 60 x 60 cm.
— Okto With Bird, 2001. Tirage cibachrome sur aluminium. 120 x 140 cm.
— Funerale di Bob Dylan, 2007. Tirage lambda contrecollé sur d-bond et plexiglas.140 x 120 cm.
— The Guitar of Johnny Cash. Installation, technique mixte. Dimension variable.
— La buona novella, 2007. Tirage lambda contrecollé sur d-bond et plexiglas. 120.2 x 172.7 cm.
— Venni Vidi Vinci, 2006. Tirage lambda contrecollé sur d-bond et plexiglas. 82 x 152 cm.
— Natura Morta, 2007. Tirage lambda contrecollé sur d-bond et plexiglas. 120 x 120 cm.

AUTRES EVENEMENTS PHOTO