ART | EXPO

Robert Breer

07 Sep - 17 Oct 2013
Vernissage le 07 Sep 2013

Cette exposition vise à montrer l'acuité et la pertinence du travail de Robert Breer, qui s’est construit à travers des aller-retour dynamiques et incessants entre le cinéma et les arts plastiques. Son œuvre, riche et complexe, consciente des enjeux de l'art et pourtant profondément irrévérencieuse, n'a cessé d'expérimenter de nouvelles sphères.

Robert Breer
Robert Breer

Nous avons souhaité, ici, montrer l’acuité et la pertinence du travail de Robert Breer, qui s’est construit à travers des allers-retours dynamiques et incessants entre le cinéma et les arts plastiques. L’œuvre de Robert Breer, riche et complexe, consciente des enjeux de l’art et pourtant profondément irrévérencieuse, n’a cessé d’expérimenter de nouvelles sphères, créant ainsi un dialogue entre sa pratique artistique et d’autres domaines parfois plus scientifiques (études sensorielles) ou technologiques. Mais c’est surtout avec beaucoup de philosophie et d’humour qu’il adoptera les notions de bricolage, de hasard et d’instabilité.

La présente exposition s’articule ainsi autour de deux projets historiques: une exposition personnelle à sa galerie Bonino à New York en 1965, et le pavillon américain pour l’exposition universelle à Osaka, au Japon en 1970.

A New York en 1965, l’exposition «Constructions and Films», réunissait des folioscopes et mutoscopes réalisés par Robert Breer dans les années 1960 avec d’autres objets plus cinétiques. Si cette exposition est peu connue, c’est pourtant la première de l’artiste en tant que sculpteur. En effet, dès son retour de Paris en 1959, Robert Breer cesse de peindre et réalise des objets en trois dimensions reproduisant le mouvement se référant plus à son activité de cinéaste. C’est aussi pour lui une manière de faire rentrer dans l’espace noble de l’exposition des objets à priori simples, qui ont pourtant participé à l’invention du cinéma.

Dans le texte de présentation du catalogue de l’exposition new yorkaise, Alan Solomon évoque cet étrange déplacement de l’œuvre et du travail de Robert Breer, un des cinéastes expérimentaux les plus originaux, vers une production à priori plus traditionnelle d’objets ludiques et sans réelle fonction. Dans une entrevue qu’il réalise avec Jonas Mekas et P. Adams Sidney en 1971, Robert Breer se dit mal à l’aise par l’effet théâtral de la projection d’un film et de la situation psychologique que cela produit. Selon lui, le contexte dramatique enlève du mystère à l’œuvre. Avec ses sculptures aux principes radicalement cinématographiques mais sans effet de décorum, c’est la manipulation du spectateur qui détermine les séquences ou les arrêts sur image. Robert Breer peut ainsi prendre ses libertés avec les idées de narration et d’abstraction et surtout explorer la zone de perméabilité entre les deux.

Son film Blazes réalisé en 1961, bien qu’absent de l’exposition de 1965, s’approche au plus près de cette histoire non linéaire. Robert Breer nous confia un jour que c’est avec réticence qu’il signa ce film, parce que ce faisant, il allait lui donner un début et une fin. Il aimait présenter Blazes de cette manière: «100 photogrammes changent de position pendant 4000 images. Une explosion continue». Pendant environ trois minutes notre rétine est extrêmement sollicitée: contrastes de luminosité, saturation des couleurs, tracés sur fond noir ou blanc et tension créée par la rapidité du rythme; Robert Breer éprouve nos seuils de conscience et nos limites à représenter.

Dans ses aller-retour permanents entre l’histoire de l’art et le cinéma, Robert Breer concevait Blazes comme une tentative de peinture expressionniste. S’inspirant de l’esprit des collages aléatoires de Schwitters, chez Robert Breer, les cartons dessinés à la gouache étaient éparpillés au hasard sur le sol, puis rassemblés à nouveau et ajustés si nécessaire. La séquence finale était filmée image par image.
Cette partie de l’exposition, sensuelle, visuelle et intime fait écho à un ambitieux projet collectif, politique et aujourd’hui mieux connu: le pavillon américain de l’exposition universelle d’Osaka en 1970.

Dans l’ouvrage consacré au Pavillon édité en 1972, Barbara Rose résume ainsi l’entreprise menée par Billy Klüver, les artistes et ingénieurs qui l’entourent: «Le pavillon n’est pas seulement une Å“uvre visuelle, il appelle à un ensemble de réactions sensorielles intégrées. […] Le pavillon n’est pas un objet; c’est une expérience unique […] il annonce une nouvelle civilisation déterminée par un système de valeurs inédit, par l’effacement de la ligne de démarcation entre l’art et la vie, et par la participation active du public. Le pavillon accueille l’art comme une composante de la vie, comme une expérience aussi éphémère et changeante dans sa forme que la vie elle-même.»

Robert Breer, très présent depuis le début de cette initiative, y réalisera sept Floats, sculptures flottantes de près de 2m de haut sur 2m de large, en forme de dôme, se déplaçant lentement au sol. Il a également conçu le tunnel incliné par lequel les visiteurs pénétraient dans le pavillon.

Parallèlement à son travail sur le Pavillon et à ses Floats, Robert Breer va concevoir toute une série d’œuvres autour d’Osaka. Il réalisera notamment, son film 70. Ce film est dans la continuité de ses premiers films abstraits où l’artiste cherchait de la même manière que les peintres abstraits à épurer le médium. Le cinéma lui offrait un véritable espace de liberté car, à travers lui «il pouvait mélanger les idées, les formes et les mots.»
Nous présentons également certaines séquences à partir de ses dessins originaux du film 70 isolées par l’artiste en 1970 pour une exposition personnelle. Robert Breer se plaisait à dire qu’il était parfois nostalgique des dessins originaux qu’il réalisait pour construire ses films d’animation. C’est la raison pour laquelle, il les remettait parfois en forme pour qu’ils existent pour eux même. (Entretien avec J. Mekas et P.Adams Sitney en 1971). C’est le cas de ses collages sur panneaux de bois. Le cinéaste n’existe jamais sans le plasticien et vice versa. Ses dessins étaient réalisés à la peinture au spray et au couteau ce qui provoquait une impression ambiguë de douceur et de dureté. Les formes se dissolvent même si leur tracé est cassant. Un jeu de passage entre des formes géométriques à d’autres organiques s’opère en permanence.

C’est à l’occasion de cette même exposition que Robert Breer va réutiliser quelques uns des petits Floats édités en grand nombre par le MoMA pour l’exposition universelle de 1970, pour les transformer en 93 Variations animées, leur donnant à chacun une forme particulière, un rendu singulier et unique.

Afin de présenter cette extraordinaire production de Robert Breer autour d’Osaka nous avons souhaité réactiver une œuvre conçue en 1969 le Floating Building. Au départ son idée était de réaliser un bâtiment flottant pour accueillir des conférences et colloques. Le soir venu, et au moment de sortir, les intervenants seraient perdus, rendus à une adresse différente. Cette utopie du chaos et ce refus d’autorité, sans doute irréalisables dans la vie réelle, se sont déplacés dans l’institution de l’art. Robert Breer réalise ainsi pour l’exposition «The Death of the Audience» à la Secession en 2009, un angle de mur comme un mur d’accrochage qui se meut extrêmement lentement dans l’espace d’exposition. D’abord imperceptible, le déplacement de la sculpture monumentale Floating Wall fait basculer la perception spatio-temporelle du spectateur. Chaque cadrage de l’exposition se transforme au fil du temps.

Toute l’œuvre de Robert Breer engage de façon vivante et dynamique le spectateur à regarder à nouveau, une fois encore; elle nous rend conscients du flux permanent des choses et de la complexité de la vie. «Je me suis imposé à moi-même un petit exercice amusant: comment revenir à l’image fixe au moyen du cinéma. Je me plais dans ces allers-retours et à faire glisser d’un champ à l’autre des éléments des deux mondes. J’aimerais réussir à avoir les effets du cinéma dans l’image fixe et vice et versa sans jamais me faire prendre.»

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