LIVRES

Rineke Dijkstra. Portraits

Catalogue présentant les séries de photos de la Néerlandaise Rineke Dijkstra. Des portraits en pied d’adolescents en bord de mer ou dans des parcs, de matadors, de femmes tout juste mères, de soldat(e)s israélien(ne)s, de légionnaires… Des photos posées mais très réalistes, dont toute expression et toute gestuelle sont neutralisées.

— Auteurs : Hripsimé Visser, Urs Stahel
— Éditeurs : Schirmer/Mosel, Münich / Jeu de Paume, Paris / Fotomuseum, Winterthur / Stedelijk Museum, Amsterdam
— Année : 2004
— Format : 25 x 33 cm
— Illustrations : nombreuses, en couleurs et en noir et blanc
— Pages : 160
— Langues : français, anglais (trad. du néerlandais par Marnix Vincent et de l’allemand par Jean Torrent)
— ISBN : non précisé
— Prix : 26 €

Lire l’article sur l’exposition de l’artiste au Jeu de Paume (14 déc. 2004 – 20 fév. 2005)

Présentation

Ce qui distingue Rineke Dijkstra, c’est une méthode de travail très personnelle qui, avec un angle de vision d’une grande précision, font de ses portraits autre chose qu’une tentative d’inventaire. Alors qu’elle réalisait des portraits de personnalités pour la presse, Rineke Dijkstra a inauguré cette démarche personnelle, en 1991, avec un Autoportrait, pris à la piscine après avoir nagé longtemps : « Ainsi, la fatigue m’empêchait de prendre une pose. »
Depuis elle a essentiellement photographié des gens ordinaires, souvent sur un principe séquentiel – soit que la même personne apparaisse plusieurs fois, comme Olivier, ce jeune homme photographié avant et après son engagement dans la Légion, soit que différentes personnes figurent dans des circonstances similaires, comme les matadors portugais après le combat.
La dimension des tirages agrandit les visages qui, devenus visibles collectivement et à distance, apparaissent simultanément à l’échelle du face à face, de l’aparté.

Rineke Dijkstra instaure des conditions de prise de vue apparemment neutres : nous accédons à ceux qu’elle photographie sans que la nature des émotions ou des signes qui nous deviennent lisibles ne paraisse mise en scène. L’artiste détermine le plus souvent un moment de « pause » à l’intérieur d’une situation ou d’un contexte significatifs, à la suite d’un effort ou d’un événement, au cours d’une mutation individuelle. Dans le cadre qu’elle leur donne, les personnes photographiées ne cherchent pas à s’exprimer, ni à contrôler leur apparence. L’artiste utilise une chambre photographique de format 4 x 5 inche et ajoute parfois le flash à la lumière naturelle. L’usage de la chambre réclame une certaine concentration, un temps d’immobilité plus long. Rineke Dijkstra demande également à ses interlocuteurs de ne pas sourire – pour éviter la référence aux photos de famille — et de regarde l’objectif. La composition est centrée, mais l’artiste se contente de suggérer les positions.

Les portraits obtenus ne sont jamais anodins; ils ne sont ni sentimentaux, ni séduisants. La répétition patente qui génère chaque série renvoie à la question des modèles; la rigueur formelle — cadrages, fonds, formats et compositions, choix des sujets — souligne l’absence de manipulation des images. Et la simplicité des moyens employés renforce sans doute l’intensité avec laquelle la singularité de ces visages frappe le spectateur. Car la plupart d’entre eux ont en commun de n’afficher aucune intention, comme s’ils s’absorbaient entièrement dans la visée de l’appareil. À l’intérieur d’une forme de naturalisme, c’est cet abandon qui retient l’attention dans l’œuvre. Au moment précis où Rineke Dijkstra a choisi de nous les montrer, dans un moment de distraction ou de fatigue, après un accouchement ou un combat, ils ne sont préoccupés ni de se ressembler, ni de ressemble aux autres, laissant par conséquent échapper quelque chose de leur fragilité.

(Texte publié avec l’aimable autorisation des éditions du Jeu de Paume)

L’artiste
Rineke Dijkstra est née en 1959 à Sittard, Pays-Bas. Elle vit et travaille à Amsterdam.

Les auteurs
Hripsimé Visser est conservatrice de la photographie au Stedelijk Museum d’Amsterdam. Elle est commissaire de cette exposition.
Urs Stahel est directeur du Fotomuseum de Winterthur.