ART | EXPO

Ricardo Lanzarini

02 Mar - 06 Avr 2013
Vernissage le 02 Mar 2013

Ricardo Lanzarini est un illusionniste qui maîtrise les jeux d’échelles. De loin, les traits arborent une construction abstraite de lignes, un réseau brouillon fait de pleins et de creux. Ce n’est qu’en s’approchant, aidé par la loupe mise à disposition, que l’on distingue les minuscules personnages qui fourmillent dans l’espace.

Ricardo Lanzarini
Ricardo Lanzarini

Ricardo Lanzarini est un conteur du banal, un observateur du quotidien qui construit et déconstruit des histoires comme des traces, comme des accumulations de scénettes dont les sources sont infinies.

«Quand je commence à dessiner, ces représentations ne sont pas préméditées, elles apparaissent tout simplement. Je les laisse flotter, elles sont là» Nietzsche, Kafka, Beckett, Carroll, Marx, faits divers, prisonniers, leadeurs religieux, reproductions d’œuvres d’art, hôpitaux; Lanzarini mêle les références et tisse un ensemble qui reflète le fonctionnement de la pensée et de l’histoire humaine où les catégorisations et les classifications ne sont le résultat que d’une réflexion à postériori.

Aucune description d’espace ou de temps; les lieux ne sont pas identifiables, les temps anachroniques. Avec minutie et précision, les personnages se multiplient pour trouver leur place et littéralement envahir les murs de la galerie dans une construction délirante.

Ricardo Lanzarini est un illusionniste qui maîtrise les jeux d’échelles pour mieux nous surprendre et nous déstabiliser. De loin, les traits arborent une construction abstraite de lignes, un réseau brouillon fait de pleins et de creux. Ce n’est qu’en s’approchant et en s’attardant au plus près des dessins, aidé par la loupe mise à disposition, que l’on distingue les minuscules personnages qui fourmillent dans l’espace et qui en même temps le forme. Sorte de mirage, le tracé s’avère tout aussi bien abstraction que figuration en fonction du point de vue adopté par le spectateur. C’est un véritable travail d’assemblage qui s’opère, un défi à la vision frontale et classique, comme si visualiser serait plus important que voir. Le déploiement des dessins dans un espace plus ou moins restreint (simple feuille à rouler de cigarette ou espace mural) ne cesse de renvoyer en sous main au corps du spectateur, à son implication physique. L’abord du dessin, l’invitation au rapprochement, implique un parcours singulier de l’ensemble et, de fait, un regard fragmentaire. Le collage est omniprésent. Certains éléments sont découpés pour venir se détacher de la surface plane, d’autres sont ajoutés tels les copeaux de crayons de bois pour qu’ils deviennent des chapeaux, des parapluies, des nacelles. De même, l’architecture du lieu avec ses prises électriques, ses angles, ses accidents sur les murs devient un terrain de jeu pour créer un univers global. Le collage plastique construit des images qui ne sont autres que des collages narratifs. La force du travail de Ricardo Lanzarini réside dans la diversité des points d’entrées et la multiplicité des histoires à créer et à réinventer.

Chez Ricardo Lanzarini, la narration ne mène nulle part, elle est motrice d’une présence. Elle habite l’espace tout simplement, et renvoie ainsi à l’absurdité de notre présence au monde. De loin l’ensemble abstrait submerge, de près, le regardeur devient un voyeur surplombant un monde fantasmagorique qui ressemble étrangement au sien, et dont les traits, souvent les moins flatteurs, sont grossis. Pas de héros, pas de saints ou de génies, mais des foules de personnages insignifiants qui semblent errer sans buts, sans illusions ni espoirs; souvent grotesques, dans des positions absurdes ou abscondes. Les personnages nus aux coiffes étranges côtoient des êtres hybrides, difformes, mi-hommes, mi animales. Ils se cachent, se pendent, se disputent, s’enchaînent, se ridiculisent, sont représentés à la selle, évoquant les peintures de Jérôme Bosch ou le courant du réalisme magique spécifique à la littérature latino-américaine.

Avec un humour cynique et décalé, l’artiste pointe les vices et les travers des hommes, renvoyant aux frustrations de la condition humaine, à l’insécurité de nos sociétés. Les visages ont perdu tous traits caractéristiques ou expressions, les personnages sont entraînés dans une chute en avant, dans une spirale vertigineuse dont ils ne peuvent s’échapper. La masse de personnages excentriques et exhibitionnistes où les liens se tissent non sans une certaines violence, apparaît comme une micro société qui n’est autre que le reflet déformé de notre société contemporaine. Avec délicatesse, Ricardo Lanzarini dépeint un monde où chacun succombe à la tyrannie de la foule. Les juxtapositions d’événements, les couches successives, les jeux de transparences, les échos entre les personnages, les références, entraînent le spectateur dans un univers propice à l’hallucination.

AUTRES EVENEMENTS ART