ÉCHOS
01 Jan 2002

Retour en avant

La XIIIe édition de la Biennale de la danse de Lyon s’est ouverte ce samedi 6 septembre par deux pièces : Retour en avant du chorégraphe lyonnais Michel Hallet Eghayan, et Good Morning, Mr. Gershwin de José Montalvo et Dominique Hervieu. Un départ plutôt engageant...
 

Par Franck Waille

Retour en avant, qui donne son nom à l’événement lyonnais, a le mérite de rappeler que ce qui aujourd’hui a une dimension internationale est né au début des années 1980 sur l’initiative de chorégraphes locaux, en collaboration avec Guy Darmet, dans le sillage de la création de la Maison de la danse de Lyon. Elle aborde également la problématique qui structure ces trois semaines de danse tous horizons : le rapport dynamique au passé pour la création d’aujourd’hui, puisque le chorégraphe reprend une pièce de son répertoire, plus de vingt ans après sa création.
 
D’autres manières de traiter la question sont au programme. Avec les Ballets de Lorraine par exemple, qui présenteront la recréation des Petites pièces de Berlin de Dominique Bagouet, en collaboration avec les Carnets Bagouet nés de la disparition prématurée du chorégraphe montpelliérain, disparition qui a posé de manière radicale la question du répertoire et de sa transmission.

La reprise du solo fondamental de Carolyn Carlson Blue Lady, que la chorégraphe américaine a choisi de transmettre au danseur et chorégraphe finlandais Tony Saarinen, présente un traitement plus original du fil rouge de la Biennale. Événement en soi par la qualité du danseur, de la chorégraphe et de la pièce, la femme en bleue et ses multiples visages devient, vingt-cinq ans plus tard, homme étonnamment proche de l’interprète d’origine par son visage, son âge et son origine. Recréation plus que reprise, qui entremêle les thématiques de la désappropriation/appropriation, de l’identification/transmutation, de l’héritage et de l’éternelle jeunesse…
   
Good Morning, Mr. Gershwin, créée pour la Biennale, aborde le rapport au passé par le biais de la musique, puisque la pièce trace un chemin à travers l’œuvre du compositeur américain de la première moitié du XXe siècle, qui passe de la légèreté des chansons des années folles aux accents sombres de l’opéra Porgy and Bess, centré sur les questions de la ségrégation durant la Grande Récession. Le ton de l’œuvre épouse cette progression quasi-narrative, allant des ambiances joyeuses et superficielles des comédies musicales hollywoodiennes à d’autres, graves et heurtées dans lesquelles, à l’instar des chanteurs de l’opéra de Gershwin, les danseurs, tous, sont noirs.

La danse chorégraphiée par Montalvo et Hervieu mélange avec une jubilation certaine les styles les plus divers, parmi lesquels domine la pop, gestuelle issue du hip-hop . L’utilisation de la vidéo est remarquable par sa variété et par son omniprésence, qui pourtant n’écrase pas la danse, comme cela peut se voir, par exemple dans la dernière pièce de Découflé. L’écran se fait tantôt lieu de projection, tantôt écho de la gestuelle présente au sol, mêle parfois les deux, ou devient élément poétique du décor qui se fond dans une mer fluide.

Si l’image perd parfois de son impact en illustrant par deux fois le texte de Summertime, l’épisode de la danseuse faisant la cour à son éclair au chocolat sur une chanson coquine et décalée restera sans doute un morceau d’anthologie… Rire assuré pour le public des quatre coins du monde qui, généralement, réagit par la même hilarité aux mêmes passages des pièces de Montalvo/Hervieu.

C’est la vidéo qui mène pour l’essentiel la pièce vers autre chose qu’un agréable moment de divertissement. Comme si les corps et la gestuelle développée étaient incapables d’exprimer quelque chose de profond, d’aller au-delà de la virtuosité et de l’humour… Il est à parier que le pèlerinage vers la source que nous propose cette biennale donnera aussi à voir et à ressentir une autre dimension de la danse, langage de l’âme et du cœur, qui est l’héritage commun de tous les chorégraphes fondateurs de la danse moderne.
 

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