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Repérages 2010

PSmaranda Olcèse-Trifan
@29 Mar 2010

De la Belgique au Canada, le festival Repérages s'ancre dans sa vocation de tremplin pour la jeune chorégraphie. Le week-end d'inauguration, où la dernière création de David Wampach est présentée, entre autres, annonce une semaine riche en émotion et en découvertes.

Catherine Dunoyer de Segonzac et les membres de son équipe du Centre de développement chorégraphique Danse à Lille ont su développer et pérenniser un vaste réseau d’échanges au service de la jeune création en danse contemporaine. Pour sa quinzième édition, Les Repérages, festival international de la jeune chorégraphie, réunit 15 pays du monde entier.

Le principe est simple et séduisant de par sa volonté de mettre la diversité au cœur du dispositif, et la prise de risque complètement assumée. Une entière confiance est donnée aux partenaires des différents pays pour que chacun propose une jeune compagnie de son choix. Loin de signifier une éviction du rôle de programmateur, ce mode de fonctionnement ouvre sur une manière d’envisager la programmation qui privilégie un travail de longue haleine dans le sens de la constitution de réseaux. C’est un travail minutieux d’exploration en profondeur des nouveaux territoires de la danse, qui n’endosse pas pour autant une pose absolutiste, et ne revendique aucune prétention d’exhaustivité. Les organisateurs de Repérages restent avant tout à l’affût de la nouveauté. Ils se laissent surprendre, étonner, déconcerter parfois, préservant la vocation prospective du jeune festival.

Cette année, la diffusion s’étend à la Belgique par le biais de Charleroi / Danses qui orchestre le deuxième temps fort du festival et accueille de manière symbolique la clôture des festivités.

Le Canada est à l’honneur de cette édition de Repérages. La soirée d’ouverture met en évidence, avec finesse, des tendances divergentes à l’œuvre dans le paysage chorégraphique canadien, à travers les pièces de deux ex-repérés, dont une création en coproduction avec Essonne Danse, un partenaire de longue date du festival.

Le Gymnase, à Roubaix, accueille donc le solo de Stéphane Gladyszewski, Corps noir, qui se tient à la lisière de la performance et des arts visuels et numériques. Poursuivant sa recherche, le jeune créateur travaille le corps et ses changements d’état rendus visibles par le biais d’une caméra thermique. Il arrive par moments à trouver une nouvelle épaisseur du geste et de la présence, et investit l’interstice entre l’image et son support vivant pour atteindre des fulgurances dans le jeu de la persistance rétinienne. A cet imaginaire quasi-scientifique, lié aux nouvelles technologies, répond la respiration fluide, en plein accord avec les rythmes de la nature, de la deuxième pièce de la soirée. Chanti Wadge donne sur la scène de la maison Folie Wazemmes, Seventh Sky, une sorte de rituel doux et paisible pour un couple de danseurs. Si cette danse peut sembler, par moments, assez convenue, un flux d’énergie réussit à nous emporter vers les grands espaces.

La première journée du festival nous réserve, à la Condition Publique à Roubaix, une programmation dense qui parvient à négocier les changements de registre. Là encore, un dialogue semble s’établir entre les propositions. Whispering Cosmos, la pièce de Joona Halonen, originaire de la Finlande, s’attarde dans les sphères cosmiques. La danse épouse une toute autre texture, la fluidité de Seventh Sky laisse la place à un rythme haletant, haché. Les quatre danseurs s’avancent à tâtons, observent leurs propres mouvements et auscultent les échos dans les espaces. Ils sont encore en quête.

Dans cette atmosphère un peu raréfiée, la pièce de David Wampach apporte une fraîcheur salutaire. Son titre se prête au jeu de multiples associations, Battement. Une des figures emblématiques de la danse classique, le « grand battement » se trouve ainsi revisité, décliné dans des nuances proches du French Cancan ou des gestes d’une garde militaire. Plus encore, il devient le germe d’une sorte de langage permettant des bribes d’interaction sur le plateau. Le chorégraphe en fait le point de départ d’une recherche orientée du côté de la biomécanique de Meyerhold. Ses trois danseurs ont les visages figés des masques, opaques à toute approche psychologique. Leur présence se construit par la pure physicalité d’un geste mécanique, assez éprouvant du point de vue technique, qui ne se refuse pas pour autant quelques clins d’œil cocasses. Nous sommes face à une proposition et nous aimerions voir quelles pistes sont ouvertes par ce Battement.

En contrepoint, aussi rythmé que rythmique, un autre format court, le solo de britannique Darren Ellis, Sticks and Bones, nous est proposé. Il y va encore d’un battement, celui des baguettes de batterie. C’est une recherche sur la coordination qui essaie d’échapper à la cadence militaire. Malgré la virtuosité de la manipulation des baguettes, la danse peine à gagner tout le corps. Mais ce n’est pas bien grave, on goutte pleinement cette performance empreinte d’un second degré typiquement insulaire.

La soirée finit en beauté, avec la pièce de Claudia Miazzo et Jean-Paul Padovani, Mani piene di vento. La contrainte des éléments de tango que les deux danseurs travaillent semble nous maintenir dans le domaine des figures imposées. La présence sur scène d’un musicien introduit une profonde respiration, à laquelle répond sur un écran le vol d’une nuée d’oiseaux dans le ciel de Rome. C’est une danse de liberté qui se tisse sur le fond de cette vidéo. En contre-jour, découpé sur un ciel de « 18 décembre 2009 », le couple semble lui aussi s’envoler. D’ailleurs la pièce s’ouvre par une image onirique, très chagalienne : la danseuse évoluant dans les airs, avec une force et une douceur extatiques.
Par la suite, la justesse de sa présence au tango se fera remarquer. Mais la création prend toute sa puissance du côté du danseur, qui enfreint, par la lenteur et l’impondérabilité, les codes du tango. Il s’érige en force structurante et réussit à créer un espace de liberté pour que sa partenaire puisse briller. Nous sommes emportés par la poésie qui se dégage de ce tourbillon des contraires.

Toutes ces pièces laissent présager une semaine riche en découvertes et nous espérons retrouver bientôt ces jeunes chorégraphes sur d’autres scènes, à Paris et à travers la France.

Samedi 20 mars
— 17h: Le Gymnase (Roubaix), Stéphane Gladyszewski, Corps noir (Canada)
— 20h30: Maison Folie de Wazemmes (Lille), Chanti Wadge, Seventh Sky (Canada)

Dimanche 21 mars
— 17h: La Condition publique (Roubaix), Joona Halonen, Whispering Cosmos (Finlande) + David Wampach, Battement (France) + Darren Ellis, Sticks and Bones (Royaume Uni) + Claudia Miazzo et Jean-Paul Padovani, Mani Piene di vento (France)

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