ART | CRITIQUE

Repeat to End

PSimon Peker
@12 Jan 2008

Multiples, toujours brisées, souvent masquées, les lignes des oeuvres d’Alison Moffett jouent à perdre notre regard dans une dimension nouvelle où présent, passé et futur se confondent.

Deux installations, faites de ces tuyaux de plomberie communément utilisés dans les appartements, occupent l’espace d’une pièce.
La première installation-tuyauterie n’a ni début ni fin. Gare à l’œil qui voudrait suivre les méandres de ces discontinuités: une coupe longitudinale divise l’œuvre en deux parties qui ne s’ajustent pas. En peignant la pièce en deux couleurs, Alison Moffett redouble subrepticement ce décalage, créant deux dimensions spatiales.

L’autre installation est un simple tuyau de métal surgissant du mur, qui évoque par sa forme une porte close. Même fermée, cette porte symbolise pourtant un point de passage possible entre les deux dimensions délimitées par les deux couleurs de la pièce, invitant à s’aventurer de l’autre coté du miroir.

L’œil se perd également dans les différents collages qui constituent le monumental Trough Titanium and Lead. Le dessin représente une vaste composition architecturale, dont chaque partie est empruntée à différentes temporalités. Le passé circule à travers les colonnes d’un temple antique, le présent dans les bouches d’aération et les tuyaux de plomberie, le futur grâce à un escalier flottant. L’immensité du dessin permet au spectateur de s’intégrer dans ce non lieu, donnant l’impression de pouvoir pénétrer ce décor irréel.
Dans Hollow, l’ombre d’une structure flottante est dessinée en trompe l’œil, et l’œuvre semble sortir de son cadre. Nouveau jeu de dimension où l’œuvre s’invite dans l’espace du spectateur.

Le dessin As Before représente des oeuvres du musée de Bagdad. Impossibles à voir distinctement, elles sont enfouies sous des couches de papier qui peu à peu les font disparaître, les perdent dans les strates du temps et de la mémoire. Cette mise en scène de la disparition fait ainsi écho aux menaces de pillage qui pèsent sur les œuvres de ce musée.
Presque entièrement contenu dans un prisme, qui semble lui aussi disparaître, The End of History est la représentation d’une sculpture brisée. Enigmatique, ce dessin laisse également à penser que l’art antique est en voie d’effacement, pour sortir progressivement de notre dimension.

L’exposition nous transporte dans une dimension où l’espace et le temps, à l’image de la physique d’Heisenberg, sont discontinus. Dans une telle dimension, seule l’incertitude est amenée à régner.

Alison Moffet
— Through Titanium and Lead, 2007. Crayon sur papier. 389 x 239 cm.
— Repeat To End I, 2007. Installation. Tuyaux. Dimensions variables.
— Repeat To End II, 2007. Tuyaux en cuivre, peinture. Dimensions variables.
— Hollow, 2007. Peinture acrylique sur toile, papier, crayon, plexi. 121 x 92 cm.
— As Before, 2007. Crayon sur papier calque. 47 x 34,5 cm.
— The End Of History, 2007. Crayon sur papier. 125 x 227,5 cm.

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