ART | RENCONTRE

Rencontres philosophiques, De crise en crise. L’expérience moderne du temps

19 Oct - 19 Oct 2013
Vernissage le 19 Oct 2013

Dans le cadre des rencontres philosophiques, Myriam Revault d’Allonnes propose une conférence autour du thème de la crise en regard de la pièce Current Location de Toshiki Okada.

Myriam Revault d’Allonnes
Rencontres philosophiques.
De crise en crise. L’expérience moderne du temps

Conférence dans le cadre des rencontres philosophiques organisées par Emmanuel Alloa
En regard de Current Location de Toshiki Okada

Si à l’origine le mot grec krisis désignait le moment décisif dans l’évolution d’un processus incertain, «La crise» connote aujourd’hui l’inverse: elle désigne une sorte d’état permanent dont nous n’entrevoyons pas l’issue. Ce renversement témoigne d’une mutation fondamentale de notre rapport au temps et pour le comprendre, il faut repartir de ce mouvement d’arrachement au passé et à la tradition, de cette dissolution généralisée des anciens repères de la certitude qui caractérise la modernité. Quel est aujourd’hui l’horizon de sens de la crise contemporaine alors même que s’est effondrée la croyance en un Progrès généralisé de l’humanité et que prévaut désormais l’idée d’un futur incertain?

Myriam Revault d’Allonnes est Professeur des universités à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes (EPHE). Spécialiste de philosophie morale et politique, elle enseigne également à l’Ecole doctorale de Sciences Po Paris (Théorie politique). Derniers ouvrages publiés: Le pouvoir des commencements. Essai sur l’autorité, Seuil, 2006, Points Essais, 2012; L’homme compassionnel, Seuil, 2008; Pourquoi nous n’aimons pas la démocratie, Seuil, 2010; La crise sans fin. Essai sur l’expérience moderne du temps, Seuil, 2012.

Les temps qui courent.
Qu’est-ce que le temps? Si personne ne nous le demande, disait saint Augustin dans sa célèbre réponse, je le sais; mais si je dois l’expliquer, j’en suis tout à fait incapable. De tous les objets philosophiques, le temps est sans doute le plus fuyant, le plus évanescent. Rarement, une époque –la nôtre– fut aussi consciente de manquer de temps: dans l’accélération irréversible des rythmes de travail et de vie, le temps se présente plus que jamais comme ce qu’il n’y a pas à perdre et dont, pourtant, nous ne disposons jamais.
Or bien évidemment, le temps objectif, celui que mesurent les montres et les horloges, ne s’écoule guère plus vite. Mais c’est qu’à côté de ce temps objectif, il y en a un autre, un temps vécu, que nous avons du mal à exprimer et dont nous n’avons, peut-être, jamais plus qu’une intuition. En tout cas, la dynamique de l’accélération contemporaine et la recherche permanente du «direct» nous permet de saisir d’autant mieux la grande découverte de saint Augustin: que le temps ne se donne jamais qu’au présent et que le passé et le présent ne sont pas des temps séparés, mais de simples modalités du présent.
Ce qui pose la question du contemporain: car si nous prenons l’expression à la lettre, être contemporain ne signifie pas l’adhésion inconditionnelle au présent, l’être «de» son temps, mais bien l’être «avec» son temps. Or quand on est «avec», on est toujours en surnombre, il y a coexistence des sujets et des temps, déphasage et décuplement. Au fil de cette nouvelle saison des Rencontres philosophiques, il s’agira de faire le diagnostic de ces temps pluriels et diffractés, de ses intuitions historiques et esthétiques, et de faire ressortir les contres-temps qui résistent à l’idéologie de la synchronisation. Quatre rencontres pour tenter d’appréhender, de biais, les temps qui courent ; quatre rencontres qui se veulent être autant de «considérations inactuelles», au sens que Nietzsche donnait à ce mot.

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