ART | CRITIQUE

Reliquaries

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@12 Jan 2008

Depuis son enfance Jeffrey Vallance collecte divers objets qu’il présente comme autant de reliques sacrées. Mêlant non sans humour politique, religion, stars et son propre quotidien, il donne présente les mythes américains sous un angle différent.

On se souvient de l’œuvre de Jeffrey Vallance présentée à l’exposition «Los Angeles 1955-1985» du centre Pompidou, Blinky, the Funky Hen, reposant sur ce processus: acheter un poulet au supermarché, l’enterrer au cimetière pour animaux de Los Angeles, y retourner dix ans plus tard pour le déterrer, le faire autopsier et faire admettre par le médecin légiste les causes violentes de la mort de l’animal… Présenter ensuite les restes de cette action : cercueil, ossements accompagnés d’une vidéo retraçant toute l’action.

La galerie Nathalie Obadia consacre au californien sa première exposition personnelle en France : différents reliquaires de ses performances, en particulier ceux du «Gentil poulet».

Dans la religion chrétienne, les reliques (du latin reliquae, «ce qui reste») sont des restes du corps des saints ou des objets liés à la vie de Jésus ou de ses apôtres. Le culte des reliques est à l’origine des grands pèlerinages (Rome, Compostelle, Jérusalem), car on leur prête des pouvoirs de protection et de sanctification.

Jeffrey Vallance se substitue aux saints, et évangélise sa vie: sa rencontre avec le dernier souverain du Tonga, sa bénédiction par le pape ou une manifestation de son club de frisbee. De chacun de ces événements il garde un souvenir matériel chargé de significations. Ce «reste» collecté a besoin d’un réceptacle à la hauteur de sa valeur symbolique. De même que la croix du Christ est insérée dans des travaux d’orfèvrerie, les reliques ici exposées valent moins pour elles-mêmes que par leur introduction dans un temple miniature destiné à les célébrer. La collecte des objets vient se combiner à un méticuleux travail sur le dispositif de monstration qui va leur conférer leur aura religieuse.

L’ironie de ce travail est de souligner que les objets ne revêtent en eux-mêmes aucun caractère particulier, mais sont au contraire façonnés par leur histoire, même anecdotique. Un bout de moquette n’est symboliquement rien avant d’avoir été foulé par le pied d’Elvis qui le sacralise instantanément. Qui le fait passer du profane au sacré.

C’est pourquoi Jeffrey Vallance accompagne chaque relique d’un texte encadré d’information sur ses significations, sur le moment dont elle témoigne, dont elle est «le reste» non corrompu par le temps.

Ce travail dispose d’une bonne part d’humour: le décalage entre la trivialité de l’objet et son écrin prête à sourire. Mais il rend compte des mythologies de l’Amérique où se côtoient la religion, la politique et les nouvelles icônes populaires. Porte-clé coca-cola, crucifix ou autres miniatures de Richard Nixon trouvent ici de singulières correspondances.

Jeffrey Vallance
— Shag Carpet Relic from Elvis Presley’s Jungle Room, Graceland, 2006. 12,7 x 25,4 x 7,6 cm.
— Relic Cabinet, 2006. 33 x 25,4 x 27,9 cm.
— Crematory Bone (L.A. Pet Cemetery), 2006. 12,7 x 30 x 10,1 cm.
— Vallance Family Lutheran Catechism, 2006. 25,4 x 48,2 x 25,4 cm.
— Death Valley Boot Heel, 2006. 15,2 x 20,3 x 15,2 cm.
— Holy Shroud of Turin Image Touched to The True Cross, 2006. 12,7 x 30,4 x 7,6 cm.
— Jägermeister: St. Hubert Relics, 2006. 20,3 x 40 x 17,7 cm.

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