ART | CRITIQUE

Recherches picturales contemporaines, Carte blanche à Sandrine Moreau

PSandrine Moreau
@12 Jan 2008

Une exposition sur les recherches picturales contemporaines : exploration des multiples potentialités du matériau pictural, entre pratique et vision du monde ; interrogation sur l’Exposition.

D’abord, un espace de vie privée, un deux pièces-cuisine. Celui où Jérôme Rappanello dort, mange, travaille, rêve, songe, s’interroge. Lieu de plaisirs et de déplaisirs, de stress et de joies intimes. Dénué de décoration, sans intervention, sans touche personnelle, cet abri devient un territoire très particulier ; espace privé, il s’ouvre à des recherches conceptuelles et plastiques, à un public. Espace privé/espace public, il plonge, le temps des expositions, les visiteurs dans les traces d’un vécu, la promiscuité des œuvres, des échanges.

Puis, Jérôme Rappanello m’a proposé d’organiser une exposition sur les recherches picturales contemporaines. Attirées par des pratiques sensibles, parfois dubitatives mais bien vivantes, mes recherches vont à la rencontre de travaux qui interrogent les multiples potentialités du matériau pictural, qui explorent tant la pratique elle-même qu’une certaine perception du monde. L’envie d’exposer des coups de cœur rencontre bientôt le corps et l’esprit du lieu. Parfois les échanges sont difficiles. Cet espace privé est alors l’occasion d’interroger l’Exposition. Le lieu va être source de création.

Il est nécessaire de cohabiter. MAM préfère le terme «coexister ». Il superpose une rampe entre le salon et la chambre. Elle est maculée de peinture. Pour MAM, ce «n’est pas une exposition. La dissimulation peut être une stratégie de monstration par occultation. L’exposition est une mise en évidence. Ici, il s’agit de rendre moins apparent, moins évident. La superposition est la coexistence. Ceci est une superposition ». Comme la rampe nous y invite, la main peut sentir l’épaisseur de la peinture : «La peinture n’est pas une image», elle est matière, colorée.

Les Tableaux de chasse et Pots de déconfiture amère par Philippe Cochet retrouvent leur lieu de création : une cuisine. Il y a déplacement du lieu de l’exécution, cuisine du geste, cuisine-atelier de l’artiste : «Nourritures terrestres, nourritures célestes ».

Les cadres en bois fonctionnent comme des moules, des récipients. Aussi, ce parcours visuel est-il fragmenté dans le sens de l’horizontale puis dans la profondeur. Le motif (dessin des animaux ou objets que le chat ramène de la chasse) est troublé par l’épaisseur de la cire colorée. «Sous un aspect séduisant ces travaux absorbent sans l’exhiber une violence latente. Ici la peinture investit nos espaces, se niche dans leurs moindres recoins» (Philippe Cochet).

Jérôme Touron part, lui aussi, d’un dialogue avec le lieu. Son travail s’inscrit souvent dans l’architecture. Le panneau présenté ici est incontournable dans son ensemble. Dix-huit plaques de verre monochromes éclairées par deux néons. La lumière et le temps de l’approche révèlent les traces d’un geste répétitif, mais le dessin qui naît de la superposition de l’envers de l’adhésif orange sur le verre n’est jamais identique. Il nous invite à mieux regarder presque à entrer dans chacun de ces territoires.

Les fils (bandes de toile défibrée) de Patrice Pantin s’insèrent discrètement dans l’espace. Selon l’installation, ils sont plus ou moins visibles à l’œil furtif. C’est dans la précision de l’incision que naît aussi le dessin. La lame cherche dans l’épaisseur du papier, puis le scotch peint et décollé dévoile les traces des parcours précédents. Les gestes répétés de l’incision, de la coupe, du décollement, et la toile défibrée sont une entrée en matière, des révélations.

Philippe Cochet
— Tableaux de chasse, 2001. Treize tableaux de cire, peinture, objets divers sur bois.
— Pots de déconfiture amère, 1998. Sept pots de cire colorée, vignette photographique.

Patrice Pantin — Incisions, 2001. Encre sur papier incisé.

Patrice Pantin
— Complice, 2001. Toile défibrée sur mur blanc, pigments, épingles.

MAM — Main courante, 2002. Peinture sur rampe.

Jérôme Touron
— Scotchdanse, 2002. Scotch, verre, néons.

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