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Réalités confondues

La vidéo The Time Machine de Thomas Léon fait référence au roman de H. G. Wells. Sur le mur-écran se déroule un long travelling en noir et blanc, la caméra semblant embarquée sur une rame de métro souterrain. Seule l’incroyable fluidité de l’image permet de déceler la composition toute numérique de ce voyage sans fin.
Il faut un certain temps pour s’apercevoir que se déroule simultanément, en haut de l’écran, un deuxième scénario en plan fixe. Ce qui semblait d’abord n’être qu’un simple bandeau noir s’éclaire au rythme d’un lever de soleil. Lentement se dessine ainsi la banalité d’un paysage urbain réduit à un immeuble, un bout de trottoir et quelques branches d’arbres.

Tandis que la lumière prend ses marques avec une infinie douceur, en dessous, comme dans un sous-sol, la caméra poursuit sa course effrénée de rail en rail.
Dans ce monde coupé en deux d’impossibles relations se tissent: au fur et à mesure que le jour se lève, la lumière semble pénétrer l’image du dessous. Ce trouble des sens est propice aux fictions qui raccordent chez le spectateur le dessus et le dessous, la surface et le sous-sol.

Abusés, les sens le sont encore par la sculpture noire de Fouad Bouchoucha, 1000 kilo, mesurant 3 mètres de long. Si, au premier abord, elle ressemble à une grosse enceinte, elle se révèle vite être totalement muette.
De la même manière, une autre œuvre de Fouad Bouchoucha intitulée Tautologie se compose d’un disque de type vinyle transparent, mais que la graveur des sillons en fréquence de résonnance fermée rend totalement illisible.

Fabrice Pichat, quant à lui, procède à de petits arrangements avec le réel. Il met en son des formes comme autant de minces tiges de bois mises bout à bout. Il en résulte un objet sonore semblable à un tracé de crayon léger dans l’air. Ce fragile assemblage, A Single Word, est une vibration mise en espace, enveloppée d’une note oscillant à la limite des infrasons. Petite construction capable de moduler le volume d’une salle et d’imposer sa présence physique et sonore.

Fabrice Pichat joue modestement avec de petits spectacles du quotidien. Une table se transforme avec lui en un curieux objet, presque dangereux sous sa paisible apparence: à son plateau d’aluminium sont accrochés des pieds aussi fins et pointus que des aiguilles, qui la rendent inutilisable, sauf à percer le sol. Cette table est, comme son titre l’indique, Sous influence.

L’installation Il y a, de Fabrice Pichat, est d’une grande sobriété: une dizaine de bouteilles vides sont plantées dans un petit tas de sable, reliées entre elles par un dispositif électrique dont les fils sont apparents. Par intervalles, l’obscurité se fait et déclenche une série de flashes lumineux, en un rythme musical et stroboscopique. Ce petit dispositif bricolé devient ainsi l’expression de la violence ludique du spectacle.

— Thomas Léon, The Time Machine, 2009. Installation vidéo. 24’’ 23’
— Fouad Bouchoucha, 1000 kilo, 2010. Médium, peinture, sangles. 325 x 200 x 160 cm
— Fouad Bouchoucha, Tautologie, 2010. Disque de verre clair 2mm, gravure 822Hz sillon fermé (fréquence du disque)
— Fabrice Pichat, A Single Word, 2010. Bois et mécanisme
— Fabrice Pichat, Sous influence, 2007-2008. Table en aluminium. 90 x 60 x 70 cm
— Fabrice Pichat, Il y a, 2010. Verre sable, guirlande stromboscopique, capteur et projecteur halogène