ART | CRITIQUE

Re-trait

PNathalie Toulinat
@12 Jan 2008

Re-trait: dans l’exposition conçue par Claire Staebler, sur le dessin est considéré dans une acception large, bien au-delà de l’alliage trait-papier. Au risque de la dilution.

Si le dessin désigne une pratique de représentation basée sur la ligne, l’exposition Re-trait propose d’en élargir la définition. Les supports et les outils du dessin sont abordés selon trois approches: ses formes, ses principes et ses métaphores. Le détournement des pratiques traditionnelles, comme le crayon ou le fusain au profit de la vidéo, la photo ou de la lumière rend l’approche plus analytique. Matériel ou immatériel, le dessin renvoie au parcours, à l’inachevé, à l’éphémère et au métalangage.

Les grandes tiges de papier journal tendues du sol au plafond de Katie Holten, à la fois forêt de fusain et sculpture hiératique, détournent l’idée de dessin vers une prise en compte de l’espace. De même, les néons de Pierre Malphettes jouent sur la simulation de la chute d’une feuille, dont la littéralité de l’écriture signale d’autres usages de la ligne comme langage.
Angela Detanico et Raphael Lain, dont l’œuvre Re-trait donne son titre à l’exposition, renvoie au logotype par le biais de lettres en néon blanc disposées en alphabet, entre graphisme industriel et protocole d’un langage visuel autonome.

Pour d’autres, le dessin traduit une position de retrait. Dans les papiers découpés de Ulla Von Brandenburg, excavation par soustraction, le motif se dessine en négatif et s’ouvre à la suggestion. Le dessin ne montre plus, il s’imagine et se pense comme processus lié au temps.
Avec la reconstitution en grand format des gestes tirés du film The Misfits de Marilyn Monroe, Pierre Bismuth convoque une pratique du dripping à la Pollock. Des lignes blanches sur fond noir dessinent un parcours pour aveugles, véritable suivi des mouvements d’une main. Placés judicieusement en face, les mobiles de Robert Breer dessinent au sol un parcours; la lenteur de ces machines célibataires invite à anticiper ces formes de dessins automatiques.

Exposer du dessin ne revient pas à en montrer des pratiques usuelles. Dans le travail de Rainer Lericolais, le motif figuratif est accroché au mur sous forme d’entrelacements délicats d’encre et de colle, pour souligner la fragilité du médium, son concours à l’imperceptible fascinant. De même, la figure historique de Jonathan Borofsky et ses Phone Drawings lie le dessin à l’écriture automatique gribouillée au stylobille.

Avec Koki Tanaka, le dessin s’émancipe de son support d’origine et trace ses sillages dans le paysage urbain photographié, par le fait de bouteilles de lait écrasées au sol par une voiture. Les artistes dessinent à grands traits pour maîtriser les supports vierges de la nature et des villes. Même désir beaucoup plus romancé chez Abraham Poincheval et Laurent Tixador; l’acte performatif sert au tracé de parcours mentaux autour d’objets, comme des douilles d’obus gravées et des cartographies à reconstituer.

Ce panorama offre une vision élargie, au risque de trouver du dessin partout et d’en annuler l’idée même. What a Feeling de Sylvain Rousseau en est la métamorphose parfaite. Simulation d’une perspective de salle de danse, dont le miroir projette notre position de spectateur, cet espace représente le dessin. Il est le support de projections fictives, parcours dans l’espace et fragilité du médium à faire voir l’invisible.

Koki Tanaka
— How to Draw a Line on the Road, 2007. DVD couleur, son. 31 secondes.

Katie Holten
— The Black Tree, 2005-2007.

Rainier Lericolais
— Elégantes, 2006. Encre et colle. Dimensions variables.

Jonathan Borofsky
— Phone Drawing. Stylo et encre sur papier.

Ulla von Brandenburg
— Net, 2006. Encre noire sur papier de soie, 107 x 148 cm.

Pierre Bismuth
— Following The Right Hand Of Marilyn Monroe In The Misfits, 2005-2006. Digital print. 400x 300 cm.

Sylvain Rousseau
— Palette, 2006. Vernis sur bois, 100 x 80 cm.

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