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Re.noir

PMagali Lesauvage
@12 Jan 2008

Les peintures «noires» de Bruno Perramant explorent les figures fantomatiques de La Règle du jeu de Jean Renoir, et le thème de la «vision» picturale.

C’est derrière des vitres teintées de noir que l’on découvre le travail récent de Bruno Perramant. L’artiste est à sa manière un peintre du noir, comme l’ont montré ses précédentes séries présentées à la galerie in SITU : Les Demoiselles (2002) et Si je t’oublie Paris (2004). Il s’inspire cette fois-ci d’un film de Jean Renoir, La Règle du jeu (1939), chef-d’œuvre du cinéaste qui y propose une vision à la fois drôle et tragique de l’effondrement des valeurs et des «règles du jeu» de la civilisation à la veille de la guerre.

Nous introduisant dans l’espace de la galerie, la vidéo Love Story n° 5 (2006) figure trois personnages en conversation au-dessus d’une eau aux reflets brouillés. Leurs propos comme leur profil en clair-obscur sont indistincts, et manifestent l’incommunicabilité des rapports humains. Puis débute la série de toiles Re.noir : du film La Règle du jeu, Perramant évoque non seulement les fantômes et squelettes de la soirée déguisée, mais aussi le perron du château et même le chien. Les figures spectrales réactualisent le thème enfantin du fantôme. L’artiste montre ici son talent manifeste de peintre du noir et blanc : les nuances entre ces deux valeurs sont infinies, et leur contraste est relevé ici ou là par des contours irisés. Intitulées Fantômes, Prophètes ou Innocents, ces figures ont le statut équivoque de l’individu déguisé, à la fois effrayant et ridicule, solennel et comique.

Tout aussi inquiétants et comiques sont les squelettes de la série de douze toiles Rigodon (2006) : placées les unes à côté des autres, elles déroulent une véritable séquence de danse du squelette, écho aux danses de la Mort médiévales.

A travers une référence cinématographique précieuse, Bruno Perramant affirme sa volonté de placer sa démarche picturale en référence à la narration, mais aussi à des effets propres au cinéma, ou à son corollaire, la photographie, comme en témoigne la toile Sphère (2006), représentation solarisée d’une pupille reflétant un motif de fenêtre. L’« inquiétante étrangeté » des œuvres de la série fait également écho à la tradition de la peinture qui, du Moyen Age au symbolisme, est un moyen d’accès visuel au surnaturel.

Bruno Perramant
— White Back, 2006. Huile sur toile. 130 x 97 cm.
— Grand Fantôme Blanc, 2006. Huile sur toile. 130 x 97 cm.
— Rigodon (détail) , 2006. Huile sur toile. 12 x (73 x 60 cm).
— Petit squelette bleu, 2006. Huile sur toile. 46 x 33 cm.
— Le Fantôme bleu, 2006. Huile sur toile. 130 x 89 cm.
— Les Innocents, 2006. Huile sur toile. 162 x 130 cm.
— Les prophètes n°1, 2006. Huile sur toile. 130 x 89 cm.
— Les prophètes n°2, 2006. Huile sur toile. 130 x 89 cm.
— La Descente, 2006. Huile sur toile. 24 x 33 cm.
— Le Chien noir n°1, 2006. Huile sur toile. 100 x 100 cm.

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