ÉCHOS
09 Déc 2013

Raymond Depardon, la carte du tendre

PVirginie Gimaray
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«Un si doux moment» est la grande exposition consacrée à l’œuvre en couleur de Raymond Depardon au Grand Palais. Et si la tendresse est présente, ce n’est pas de ce tendre-là dont il sera question, mais de la tendreté: une qualité matérielle, plutôt qu’un sentiment.

«J’ai toujours vu la couleur comme quelque chose de très tendre, contrairement au noir et blanc où je suis plus manichéen, où je montre le monde qui souffre». Tendre, tout réside dans ce terme équivoque, où la tendresse le dispute à la tendreté. Car les clichés de Raymond Depardon nous parlent de ces doux moments, liés au sentiment et aux émotions fugitives. Mais ils parlent aussi de la tendreté, cette qualité matérielle effritant le solide, entamant le dur.

«Un si doux moment» est la grande exposition consacrée à l’œuvre en couleur de Raymond Depardon au Grand Palais. Et si la tendresse est présente dès l’évocation de la ferme familiale près de Villefranche-sur-Saône, ce n’est pas de ce tendre-là dont il sera question, mais de la tendreté: une qualité matérielle, plutôt qu’un sentiment.

La tendreté, chez Depardon, s’oppose à la solidité des espaces contrastés du noir et blanc. C’est un moment de flottement, où le sol se dérobe à la gravité terrestre. Des effets de textures qui donnent aux choses une apparence mobile. Des rues où sable, terre, fissures, surfaces miroitantes, dématérialisent toute assise solide. Et surtout des encoignures, ces coins de rue fuyant la stabilité orthonormée des façades de villes et opérant une véritable dilatation de l’espace.

Alors revient en tête le portrait de François Hollande, la position du Président en perspective raccourcie, les taches de lumière sur l’herbe qui trouent le sol, l’ouverture grand angle de l’espace. Il y a, dans ce cliché présidentiel, la même sensation de flottement, comme si Depardon inscrivait dans l’image un temps long, suspendu.

Raymond Depardon se compare au paysan dans son rapport à la nature et au temps. Il parle de ses mains, courtes et carrées, adaptées pour tenir son outil — l’appareil photographique. Il parle de la pluie et du soleil, les guettant pour cultiver son champ photographique. Et étrangement, au fil de ces «doux moments» égrenés dans l’exposition du Grand Palais, ce sont les sols vers lesquels le regard se porte. Des sols où l’instabilité l’emporte sur le solide, dessinant une véritable carte du tendre.

Raymond Depardon: «Un moment si doux», exposition Grand Palais, galerie sud-est, 14 novembre 2013-10 février 2014

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«Art du temps», le blog de Virginie Gimaray

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