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Rainer Ganahl

PCaroline Pillet
@12 Jan 2008

Au moyen de séries de photos et d’une vidéo réalisées à Hong Kong, l’artiste autrichien polyglotte Rainer Ganahl traite de l’écart entre la langue et la réalité. Il «fait référence à une politique des langues qui est révélatrice d’autres problèmes d’exclusion et/ou d’inclusion».

Aux murs dépouillés de la galerie Maisonneuve, sont présentées plusieurs œuvres de Rainer Ganahl. Basic Chinese, des photos prises à Hong Kong, extraites de la série «Basic Language» ; Kai Tak International Airport, vidéo filmée dans un aéroport désaffecté de Hong Kong, et «Basic Chines (Study Sheet)», une série de dessins réalisés à partir de l’écriture chinoise.

Les photos figurent des endroits à la limite du terrain vague, avec pour fond d’immenses tours high tech qui sont également prises en gros plan. A la fois désolés et futuristes, ces lieux évoquent avec force la contradiction d’une société capitaliste qui s’étouffe et se perd elle-même. Les photos juxtaposent des phrases écrites en mandarin et en anglais, extraites du livre d’apprentissage de la langue chinoise de l’artiste (livre datant du milieu du XXe siècle).

Des phrases banales comme «Does every one ride a bicycle in China» (Est-ce que tout le monde roule en bicyclette en Chine?), ou encore «If you want to live you have to work» (Si vous voulez vivre, il faut travailler), prennent un tout autre sens quand elles sont juxtaposées à ces photos d’immeubles et de terrains vagues.

La confrontation du langage et des images crée un nouveau sens que l’on se doit de reconstituer, non plus dans un processus d’apprentissage de la langue, mais d’apprentissage de l’apprentissage. En effet, une phrase apparemment aussi anodine que «Si vous voulez vivre, il faut travailler» acquiert un sens très critique quand elle est confrontée à un terrain vague serti de buildings. Critique d’une société marchande qui laisse des zones de friches comme elle laisse à la marge de la société ceux qui ne partagent pas ses valeurs de performance et de concurrence…

Pour réaliser la vidéo, Rainer Ganahl a accroché sa caméra au guidon de son vélo. Il a ainsi parcouru un aéroport désaffecté et filmé son escapade tragi-comique. Symbole occidental de la vitesse et de la puissance, l’aéroport est en ruines, et la caméra se fait le témoin de son déclin.

Depuis plusieurs années, Rainer Ganahl travaille avec le langage. Parlant plus de onze langues, il se filme pendant de longues heures durant le processus d’apprentissage. Il accorde une attention particulière à la façon dont les langues modèlent et contrôlent le réel.
Ganahl a par exemple travaillé sur des phrases comme «Je ne suis pas un terroriste» et souligné ses différences de significations en anglais, en allemand ou en arabe. Confirmant qu’aucune langue ne permet de saisir objectivement la réalité, Rainer Ganahl «fait référence à une politique des langues qui est révélatrice d’autres problèmes d’exclusion et/ou d’inclusion».

Rainer Ganahl
— Basic Chinese, Of course, the European team is stronger, 2005. Tirage Lambda. 68 x 91 cm.
— Basic Chinese, Does everyone ride a bicycle in China?, 2005. Tirage Lambda. 68 x 91 cm.
— Basic Chinese, If you want to live you must work, 2005. Tirage Lambda. 68 x 91 cm.
— Basic Chinese, Raising my head I gaze at the moon; Lowering it I miss my hometown, 2005. Tirage Lambda. 68 x 91 cm.
— Basic Chinese, (Study Sheet), New York 02/10/04, 2004. Dessin recto verso, crayon sur papier d’archive. 22 x 30 cm.
— Basic Chinese, (Study Sheet), New York 01/09/02, 2004. Dessin recto verso, crayon sur papier d’archive. 22 x 30 cm.
— Basic Chinese, (Study Sheet), New York 02/01/04, 2002. Dessin recto verso, crayon sur papier d’archive. 22 x 30 cm.
— Kai Tak International Airport, 2005. DVD Vidéo. 45 minutes.

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