ART | CRITIQUE

Rabus et fils

PSarah Ihler-Meyer
@03 Juin 2010

Dans la famille Rabus, on est surréaliste guilleret de père en fils et de mère en fille. Des doigts phalliques en guise de portraits, des maïs et des saucisses en guerre, ou encore des mannequins sans tête peuplent l’univers de ce lignage d’artistes. Leurs œuvres transposent avec humour la psychologie de comptoir.

Chez les Rabus, un surréalisme parodique et potache se transmet d’une génération à l’autre. Là où Dali et Max Ernst représentaient avec solennité des sujets «profonds», pour ne pas dire mythiques, les Rabus peignent, dessinent, sculptent et tissent des saynètes absurdes au contenu psychanalytique volontairement grossier.

Ainsi des peintures de Till Rabus, qui mettent en scène des combats de saucisses, de baguettes, de cornichons et de maïs maculés de ketchup, comme autant de phallus en lutte les uns contre les autres. La gent masculine serait-elle guidée par la soif du pouvoir en tant que symbole de virilité ? Voici un premier cliché joyeusement transposé par Till Rabus.

Non loin de ces toiles, Scène de guerre avec chien d’Alex Rabus représente dans un style naïf un pénis muni d’un fusil battant la campagne ainsi qu’une vulve sautillant bêtement devant lui, entre fuite et désir d’accouplement. L’homme est à nouveau une somme de pulsions guerrières tandis que la femme est une incorrigible hystérique. Encore un lieu commun à prétention psychanalytique figuré avec humour.

Dans le même esprit, Renate Rabus dispose quatre mannequins sans tête autour d’une table. Poils pubiens et verges à l’air, ces figurants écervelés ne sont plus qu’un congloméra de bas-ventres, de pulsions et de désirs primaires. «L’homme est une bête», soit un poncif de plus mis en scène avec ridicule.

Enfin, Feu Pompon de Léopold Rabus, hommage à son hamster décédé, consiste en une juxtaposition de petits cadres contenant la représentation d’un doigt et de fleurs. Si chaque doigt vaut comme portrait de son possesseur (Léopold Rabus), il ne l’est pas au même titre que les mains photographiées par Auguste Sanders au début du XXe siècle. En effet, boursoufflés et bariolés de rose, de violet et de blanc, ils évoquent moins différentes classes sociales que des sexes tumescents. Notre identité serait-elle gouvernée par notre libido? Dernier truisme au ton satirique.

En somme, avec les Rabus le surréalisme quitte la psychologie des profondeurs pour la psychologie de comptoir, la gravité pour la légèreté. L’ironie est leur maître mot.

— Alex Rabus, Scène de guerre avec chien, 2009. Céramique. 31 x 50 x 50 cm.
— Renate Rabus, Repas de famille, 2006-2009. Textiles, personnages grandeur nature, table, 100 x 100 cm. 4 portraits, 100 x 100 cm chaque.
— Till Rabus, Surrealist Camping Lunch n°2, 2009. Huile sur toile. 260 x 200 cm.
— Till Rabus, Surrealist Camping Lunch n°3, 2009. Huile sur toile. 210 x 190 cm.
— Léopold Rabus, Feu Pompon, 2008-2009. 50 tableaux sous verre, huile sur papier, cheveux, technique mixte. 330 x 350 cm.

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