LIVRES

Qui a peur du grand méchant loup ?

Des dessins à l’encre aquarellée dans les tons bleus et des installations vidéos pour dire l’angoisse du corps et des autres, l’identité en souffrance, la relation au monde perturbée. Un travail fort qui parle des secrets intérieurs et des doutes enfouis en chaque individu.

— Éditeur : Centre d’arts plastiques, Saint-Fons
— Année : 2002
— Format : 21 x 16 cm
— Illustrations : nombreuses, en couleurs
— Pages : 31
— Langue : français, anglais
— ISBN : 2-913716-18-0
— Prix : non précisé

Lire l’article sur l’exposition de l’artiste à la galerie Anton Weller

L’enfance de l’image
par Françoise Parfait (extrait, pp. 9-10)

Les images d’isabelle Lévénez sont des images sans durée bien qu’elles travaillent avec le temps, elles ne déploient pas un récit, elles exposent simplement un motif, répété en boucle. Il s’agit donc moins de raconter une histoire précise, que de proposer l’expérience d’une sensation, d’un souvenir produit par une personne (un modèle rencontré) mais concernant un imaginaire collectif. Le spectateur ne s’identifie pas à un personnage mais plutôt à une situation en référence à un traumatisme dit-on dans le langage de la psychanalyse, faisant retour sous la forme d’une enfance fantomale qui hante encore le corps de l’adulte. L’enfance comme fantôme, réminiscence tenace que la vidéo incarne grâce à ses capacités phénoménologiques : trace, fluidité, impermanence, incomplétude, évanescence, volatilité, apparaissante, transparaissante et disparaissante. On pense ici aux images de Christian Boltanski, de Tony Oursler, de Pipilotti Rist ou de Maria Marshall; des artistes qui ont interrogé l’enfance non pas comme l’âge d’or d’une innocence perdue, mais bien plutôt comme le moment décisif où les mutations du corps et les antagonismes psychiques et affectifs sont les conditions à partir desquelles se construit un être à venir. Par des opérations de décalages, décollages, déplacements, projections, ces artistes parviennent à figurer l’enfant, proprement celui qui ne parle pas, et à retrouver le temps des « premières fois », le temps de l’expérience.

C’est en ce sens que l’on peut parler d’une vidéo traumatique, étymologiquement « efficace contre les blessures » et non d’une vidéo de la consolation. Point de baume apaisant ici, point de réparation à bon compte : le spectateur est invité à faire l’expérience de « cet écart qui sépare l’humain et le langage » dont parle Giorgio Agamben dans Enfance et Histoire. Le travail d’Isabelle Lévénez offre les conditions d’une telle expérience; au visiteur de jouer le jeu.

(Texte publié avec l’aimable autorisation des éditions du centre d’arts plastiques de Saint-Fons)

L’artiste
Isabelle Lévénez est née en 1970 à Nantes. Elle vit et travaille à Aubervilliers. Diplômée de l’École des beaux-arts de Nantes, elle est titulaire de deux post-diplômes, l’un de l’Institut des hautes études en arts plastiques, l’autre d’Arts et nouvelles technologies du Centre national des arts et métiers. Depuis 1997, elle a un diplôme d’Art en thérapie et en psycho-pédagogie, université Paris V.