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Quelque chose de soi

PNicolas Lancri
@12 Jan 2008

«Quelque chose de soi» : contre la dérisoire prétention de la tradition du portrait à exprimer la profondeur abyssale des êtres, des œuvres plus modestes, mais non moins pertinentes dans leurs tentatives à exprimer «quelque que chose» de soi et de l’autre.

C’est l’Autre et sa représentation, le portrait au sens large, qui unit les différentes œuvres exposées.

Les trois diptyques d’Isabelle Waternaux, les Écarts, confrontent deux portraits presque identiques de la même personne : alors que les yeux du portrait de gauche sont dirigés vers le spectateur, dans le deuxième portrait, le regard est tourné vers la droite. Seul ce léger mouvement des yeux, cette différence infime, permet de manifester une présence du modèle.

La courte vidéo d’Anne Durez, Ça y est, filme l’évanouissement, la perte soudaine de contact avec soi-même. Dans un intérieur banal, une jeune femme immobile, debout, les bras le long du corps, nous regarde. Ses vêtements noirs se détachent sur un canapé dans lequel elle va bientôt s’affaisser. Ici encore, c’est moins le portrait, au sens traditionnel de représentation d’une personne dans sa singularité intime et sociale, que la tentative de saisir une sensation, la présence massive, irréfutable d’un corps.

C’est encore ce rapport à soi-même qui est en jeu chez ces femmes aux yeux clos peintes par Judith Strom. Leur présence presque fantomatique (corps maigres aux coudes pointus, visages anguleux) est traduite sur la toile par des effiloches arachnéens qui s’organisent en d’improbables réseaux.

Les grandes photographies (lambdachromes) de Sarah Dobai mettent en scène, avec des qualités picturales indéniables, des corps solitaires dans des intérieurs, où s’établissent des oppositions entre la fragilité de la peau et la texture des objets.

L’étrangement familier, ou « l’inquiétante étrangeté » freudienne, sont les registres de Akos Birkas — ses visages ricanants en gros plan, peints dans des couleurs sourdes sous un éclairage froid —, ou de Marylène Negro qui photographie et filme des mannequins féminins de vitrines. Il s’agit dans les deux cas de se situer entre humain et fantastique, de jouer sur les ambiguïtés entre l’animé et l’inanimé.

Akos Birkas, Sans titre, 2002. Huile sur toile. 60 x 160 cm.
Marylène Negro, Eux, 2001-2003. Vidéo couleur, 22’30.
Sarah Dobai, Gordon, 2001. Tirage lambdachrome. 121 x 155 cm.
Gilles Saussier, Marché à réderie, 2002. Photo couleur. 110 x 100 cm.
Judit Ström, It’s taking me over, 2003. Acrylique sur toile. 230 x 200 cm.
Anne Durez, Ça y est, 2003. Vidéo, 4’54.
Isabelle Waternaux, Sans titre (Série « Écarts »), 2003. Photo couleur. 70 x 58 cm.

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