ART | EXPO

Quatre millions trois cent vingt mille secondes

20 Jan - 10 Mar 2012
Vernissage le 19 Jan 2012

Après une décennie de peinture gestuelle, Jean Dupuy quitte Paris pour s’installer à New York en 1967. L’atmosphère est différente. Ici, chacune de ses machines est accompagnée d’un texte en forme d’anagramme: mode d’emploi et perte de sens à la fois. Le lecteur lit et flotte dans un imaginaire fécond.

Jean Dupuy
Quatre millions trois cent vingt mille secondes

Une entreprise, Celanese Corporation, lui fait don de 180 plaques de polyéthylène de 200 x 90 x 0,6 cm. Installées dans son atelier, elles attirent constamment la poussière. Épousseter chaque soir n’y change rien. Il décide alors de faire œuvre avec la poussière, non pas en la stockant comme un «élevage», mais au contraire en lui rendant sa légèreté mobile.

Il conçoit une boîte dans laquelle un pigment rouge de densité extrêmement faible, le Lithol Rubin, s’agite grâce aux pulsations cardiaques d’un visiteur, acteur et observateur de la pièce. Cone Pyramid (Heart beats dust) gagne en 1968 le prix Experiment in Art and Technology organisé par Billy Kluver et Robert Rauschenberg, ce qui lui permet d’être présenté dans la foulée au Brooklyn Museum. Simultanément, par le biais d’une seconde version, il expose au MoMA dans l’exposition désormais mythique The Machine as Seen at the End of the Mechanical Age, organisée par Pontus Hulten.

C’est ainsi que démarrent à tambours battants les expériences technologiques de Jean Dupuy. Ces 4 320 000 secondes (Quatre millions trois cent vingt mille secondes) qui correspondent au temps exact de son exposition à la galerie, de son ouverture à sa fermeture, sont aussi le temps dans lequel certaines de ses œuvres développent leur propre révolution.

En utilisant le télescope 180 degrés (1972), l’observateur ne perçoit que son propre œil. Dans 90 degrés (1972), il découvre ses pieds. Dans Table à imprimer (1974-1984), les usagers laissent petit à petit des traces de leur front et de leur nez sur une feuille de papier. Dans Leo’s Clock (1982), les aiguilles tournent à l’envers sur un dessin de Léonard de Vinci représentant un possible mouvement perpétuel. Enfin, dans un Concert de secondes (2011), une vingtaine de moteurs de petites horloges sont équipés d’amplificateurs destinés à transformer le son produit par leur mouvement en véritable symphonie du temps qui s’égrène.

Les codes couleur et les lettres prennent leur autonomie en formant leur propre logique de lecture, dont seul l’artiste a le secret. Depuis 31 450 jours, soit à peu près 2 717 280 000 secondes, à compter du jour de sa naissance jusqu’au jour de l’ouverture de cette exposition, Jean Dupuy observe le temps, l’étire et le dilue. L’un et l’autre s’en accommodent joyeusement.

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