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Public Relations

PMeta Filtres
@12 Jan 2008

Premier volet de la suite d’expositions « Public Relations » à la galerie Public, les travaux de Elise Florenty et Jorinde Voigt présentent des surfaces de réflexion et/ou de projection dans l’univers quotidien des signes.

Une exposition résonnante et cohérente qui fonctionne par deux, à l’initiative de la commissaire berlinoise Anje Weitzel, invitée à Public, alors qu’Emilie Renard était invitée au Verein zur Forderung aktueller Kunst e.V. à Berlin.
De quoi être curieux des trois week-ends à suivre.

Jorinde Voigt, Give Me a Sign (extrait d’une chanson de la série Sans titre, série CD et dessins encadrés en CD cover)
Jorinde Voigt cherche le moyen de fournir des représentations du monde qui soient libérées des cadres réducteurs (par le résultat ou par le mode d’utilisation) des médiums habituels tels que la photographie ou la vidéo. Il s’agit pour elle de proposer une « Better Picture » de situations vécues (il n’y a pas vraiment d’équivalent à cette expression en français), un élargissement de notre champ habituel de représentation et de fait, de perception.

Pour « Public Relations », Jorinde Voigt montre des « partitions de situations » (Paris 1-12) : douze croquis aux allures de script dans lesquels les signes et courbes d’une grammaire personnelle recomposent des situations expérimentées dans des espaces publics parisiens.
Difficiles à « interpréter » pour le public profane, elles séduisent par leur poétique indépendante. Si ici les partitions ne seront, a priori, pas données à jouer, il est arrivé que Jorinde Voigt le fasse. Pour Indonesia, différents musiciens (mais ils auraient aussi pu être des vidéastes) ont interprété des partitions de situations vécues en Indonésie, faites de notes aussi diverses que des voitures passant sur l’échelle du temps, des journalistes au bas de l’hôtel, des accidents hier et les ignorances du présent. Le résultat est une écoute du monde complétée d’un nouveau souffle et, surtout, non asservie à des narrations formatées.

La deuxième pièce présentée (Sans titre, série CD et dessins encadrés en CD cover) fonctionne presque en négatif des partitions. Sur le mur, des lecteurs CD proposent quatre « tubes » (des chansons d’amour) en écoute individuelle. Sur le boîtier les titres, énigmatiques associations, invitent à recomposer pour soi des situations à partir de ces éléments (de l’après rasage, du coton, un homme blond, etc.). Et si l’on ne comprend pas l’allemand, le tête-à-tête avec un morceau très commercial n’est pas sans effet.

On passe de son anonymat et de l’anonymat des situations dans lesquels il nous est habituellement donné de l’entendre, à une appropriation personnelle de ces mêmes situations. Debout dans la galerie, comme assis sur un banc dans le parc, la love song diffusée au loin ne vient-elle pas s’intégrer à notre partition ? Un genre de solitude pop…

Elise Florenty
Ce n’est pas exactement de la solitude (extrait de 37s, The Other Way Round, 2004)
Sur le sol un moniteur vidéo (silencieux), pose une question difficile à entendre. Si tu fais – de bruit tu crois que je t’écoute + ? défile au dessus de visages et fragments de corps animés. Les dessins apparaissent, se soustraient, se superposent, comme des êtres cherchant une façon d’être présent et signifier quelque chose (regarde moi je vole), quand ils ne cherchent pas ensemble un point de contact (un baiser). Sur le mur un fragment de phrase, l’amorce du mot « corps », attendent d’être complétés par l’une des diapositives qui éclairent avec économie (parfois un dessin) la feuille sur le mur. Trois silhouettes placées devant un décor architectural catastrophique (un bateau échoué sur la rive d’une mégapole), se retrouvent à l’identique au ras du sol, sur le mur blanc (vide) de la galerie.

Mais c’est la vidéo projetée à l’entrée qui est la plus « bavarde ». Pièce maîtresse qui se compose en partie des autres (qu’elles manipulent, trient, recyclent), elle rend compte du processus dynamique selon lequel Elise Florenty aime à réflechir et travailler. En bande horizontale au-dessus d’images animées avec lesquelles ils correspondront peut-être, des mots, des phrases réfléchissent en s’écrivant, proposent, ordonnent, se reprennent. Comme pour le public, le traitement de ces signes et images se fait à mesure, online.

La communication est un flux tendu (souvent horizontal ici) qui ne cesse jamais (puisqu’il continue dans la mémoire et les projections) mais qui peut être menacé, ou comme ici, manipulé.
Elise Florenty rend compte des déceptions de la communication par des procédés identiques aux « catastrophes » de tous les jours: Interruption par un jingle (toutes les 37’’), diapositive complémentaire perdue dans la ronde des diapositives, blancs (trous), mensonge (les ballons sur le mur sont des bombes sur le dessin).
Peut-être est-ce le bruit (blanc, toutes fréquences confondues) la plus grande menace, confusion qui vient du fait que l’on est « plus de monde » (plus de gens, plus de signes etc.). Alors où est le « signal » ? Quels sont les mots, gestes, qui font sens entre deux extrémités d’une communication ? Plus que dans le silence (parfois bruyant si l’on en croit les ballons/bombes) la réponse est peut-être dans la « détente ».

Ainsi, quand elle n’interrompt pas soudainement un flux d’informations, Elise Florenty écarte sensiblement les deux bornes d’un échange, étire l’espace entre émetteur et récepteur (Diapositive /feuille, artiste/public, soi/ autre..), crée des appels à la complémentarité (phrases à trous). Avec un balancier fait d’aditions et de soustractions, elle progresse sur le fil de la communication, interroge l’effort qui doit être fait pour joindre les deux bouts. Met-il en jeu le langage, la mémoire, le corps ?

Lorsque la connexion se fait entre deux propositions (un baiser, la diapositive complémentaire, les silhouettes devant un décor…) elle n’est pas une solution qui fixerait l’état des choses : le processus recommence, il faut chercher toujours. Si l’on a été inattentif, il faudra « repartir de zéro ». Et même, après avoir attendu un tour de diapositives pour voir la phrase complète on se trouve face à une autre difficulté : « Mon corps pleure, il n’y a pas de mots ». Peut être des mots organiques ?

Si les mots sont ici incomplets, de même que le visage vide et le bras sans corps, peut-être est-ce qu’Elise Florenty cherche un nouvel énoncé. Quel mot pour faire exister le corps qui pleure et quel(s) autre(s)/alter pour faire exister la main tendue ? Y a t’il comme dans certains jeux, plusieurs réponses possibles ?

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