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Présences

14 Sep - 13 Oct 2005
Vernissage le 13 Sep 2005

Une installation complexe de dessins et de sculptures légères, dans une architecture organique constituée de parois, comme une membrane, divisée en plusieurs salles associées chacune à un type de parfum. Tout est fait pour s’abandonner à ses sens et à son imaginaire : l’espace, la matière, les parfums, la lumière et les couleurs, les textures, les mouvements... L’artiste crée un univers composé de multiples sensations qui s’entrecroisent et nous invite à voyager à l’intérieur de nos émotions.

Communiqué de presse

Claudine Drai

Présences

Claudine Drai est une artiste plasticienne qui se définit elle-même comme un «sculpteur de langage». Depuis dix ans, elle mène aux côtés de parfumeurs une recherche autour de leur création sur les émotions et l’imaginaire du parfum. Une matière qu’elle appréhende comme la substance invisible et immatérielle qui permet de devenir «l’émotion que l’on sent». Cette démarche l’a conduit à créer et à intégrer des sensations de parfum comme matières de son univers plastique, au même titre que le papier, la soie, la lumière et les mots. «Il existe des émotions au fond de soi qui ont besoin, pour apparaître, de trouver la matière qui leur ressemble, visible ou non-visible».

Pour sa première exposition à la galerie, Claudine Drai a conçu un projet spécifique, dans la continuité de Goutte d’Air présenté à la mairie du XVIIIe à Paris lors de la première Nuit Blanche en octobre 2002.
L’artiste nous invite à un voyage à l’intérieur de soi, à l’intérieur de nos sensations, dans une architecture éphémère, sorte de «corps mental» reconstitué au sein de la galerie, où le visiteur traverse des sas successifs, révélant au visiteur ses propres émotions. «Dessiner l’espace, c’est aussi faire voyager le corps, c’est ressentir l’espace, la matière de l’air ; l’air est vivant aussi, le monde se déplace en soi, avec soi et la création n’est jamais immobile. Tous ces ressentis viennent vivre comme des réalités, des imaginaires rassemblés ou séparés. Et les parfums, la lumière, l’espace se vivent comme des émotions qui se dévoilent, comme une histoire sensible à côté de l’histoire du regard». Pour créer son architecture, Claudine Drai place des parois éphémères, qui sont en quelque sorte la chair ou la peau de ce «corps mental» reconstitué: «Placer des parois éphémères, c’est nommer les lieux des émotions et mettre la réalité en acte presque comme un acte imaginaire». Ces parois sont créées dans une matière particulière, qui permet de retenir la sensation olfactive dans un lieu et de diffuser la lumière.

Dès son entrée dans la galerie, le visiteur va traverser un premier lieu, celui des sculptures et des parfums, diffusés ici par des éléments posés sur le sol. Associé au parfum «présence», ce lieu symbolise paradoxalement «l’ailleurs du temps imaginaire» ou le non-lieu du temps, le parfum évoquant l’errance des êtres. En effet, pour Claudine Drai, «une œuvre, c’est une errance permanente, une façon de donner à vivre cette errance de l’être mais de l’artiste aussi ; c’est une façon de dire tous ces états que je traverse aussi, et qui ne rencontrent jamais les mots». Ainsi, il y a dans ce premier sas une sensation de parfum qui est presque une sensation qui va fixer le temps à l’intérieur de soi, presque immobile, comme un temps d’abandon. Signifier ce non-lieu du temps est une façon de rompre avec quelque chose en soi qui vient du monde du dehors. Le sens passant par le sensible, l’émotion devient palpable même pour faire ressentir l’impalpable. L’artiste symbolise aussi cette errance par des sculptures de papier apposées sur les parois, comme des êtres absorbés par le vide de l’espace, et par des lignes blanches, des lignes de papier, en transparence, qui viennent rejoindre ces être en errances comme des lignes d’absence.

«Chaque lieu est une émotion ‘close’, dissociée, qui va rejoindre une autre émotion pour en inventer une autre». Chaque sas se franchissant alors comme un «ailleurs», le deuxième lieu, associé aux parfums «imaginaire» et «silence», est un espace de sculptures blanches, car «le blanc, c’est peut-être du silence ou de la distance vis-à-vis de la mémoire, vis-à-vis d’une histoire qui serait une histoire trop personnelle. Je dis « peut-être » car ce monde n’appartient pas à la raison des choses». Le blanc est à la base de l’oeuvre de Claudine Drai, qui travaille avec du pigment et de la gomme arabique, qu’elle prépare jusqu’à ce que la couleur, la texture, la lumière ressemblent à ce qu’elle ressent, tous les blancs ainsi obtenus construisent finalement une histoire à l’intérieur de la sensation ou de l’émotion.
La sensation d’«imaginaire» se trouve aussi ici dans des sculptures de papier couvertes d’un voile de soie, qui est là pour faire sentir la matière et l’espace de l’air et dire qu’il y a toujours quelque chose entre soi et le monde, à savoir l’imaginaire, le voile est là aussi pour faire apparaître. À proximité de ces sculptures, plusieurs œuvres fragmentées de format carré identique (80 x 80 cm) viennent symboliser l’espace fragmenté ou déchiré, le choix du carré étant précisément une façon d’abstraire presque complètement l’espace, puisque le carré est un espace qui s’annule lui-même. Les fragments évoquent le temps vécu intérieurement et les successions du temps qui se confondent dans une œuvre, puisque n’étant plus dans une réalité qui situe le passé, le présent, le futur… Le fait de replacer chaque temps dans un espace, c’est à la fois le fragmenter et paradoxalement redonner une réalité, une forme d’absolu au temps. De la même manière, chaque sculpture, chaque œuvre est une unicité, un fragment du temps, et l’espace qui rassemble plusieurs sculptures est pourtant aussi une unicité, où tous les temps se confondent, comme dans notre monde intérieur.

Le troisième sas associé au parfum de l’«abîme» évoque la déraison, avec des sculptures en noir, gris et blanc et des parois de lumières blanches. «L’errance, c’est une déraison de l’espace et cette déraison de l’espace finalement devient l’abîme. Le blanc devient gris. Et ce gris se transforme, devient noir. Donc on a cette transformation de la couleur qui ressemble à ce ressenti, là ça devient du sentiment, presque, ce qui était cette mémoire blanche devient presque un dessin». Ces sculptures reprennent les matières du dessin, la mine graphite, le crayon et les gestes que fait l’artiste pour poser les sculptures est un geste issu du dessin.
Une paroi de lumière vient séparer cet espace en deux lieux et, au-delà de la paroi, le visiteur est confronté à de nouvelles œuvres, des mots écrits en gris/noir sur la soie blanche, traversés par des sensations de parfums différents. «C’est comme des écritures qui se vivent séparées du sens; l’image des mots va venir se superposer à l’image des sculptures dans la sensation d’un parfum». Les parfums de cet espace ne sont pas nommés, ce sont les mots écrits qui nomment le ressenti dans une «émotion-miroir».

Ce trouble se retrouve dans la quatrième salle, où on découvre des silhouettes dessinées à l’échelle de notre image réelle sur des tissus de soie qui se superposent les uns aux autres. Ici, le parfum est encapsulé dans la soie grâce à une technologie nouvelle qui permet d’intérioriser la présence du parfum pendant plusieurs années. «Ainsi, le temps vit à l’intérieur du temps et il n’est plus éphémère».
Le visiteur est plongé dans un espace de lumière, avec une paroi de lumière centrale qui sépare les œuvres colorées des œuvres en noir et blanc. Les silhouettes apparaissent à la surface de la soie comme des êtres qui ont traversé «la peau de l’air, la peau du temps», pour rejoindre le présent et laisser leur empreinte. Placées les unes à côté des autres, elles deviennent la présence, la visibilité d’un monde intérieur.

Dans la suite de l’exposition, Claudine Drai nous invite à quitter le monde de l’olfaction pour passer à un univers purement graphique, qui fonctionne de manière autonome, avec des dessins et des sculptures. Le visiteur peut alors aborder les œuvres avec un regard «plastique» pour percevoir l’identité de chaque sculpture, de chaque silhouette de papier, au sein d’une même œuvre ; mais, quand il s’éloigne, le regard se fragilise et une sorte d’abstraction se crée, à l’image de notre monde réel, où l’apparence des choses bouge continuellement, où la texture, la lumière, le mouvement de l’air modifient l’image de la réalité. Une autre structure, pouvant contenir une à deux personnes, y sera créée, avec des mots écrits sur les parois et «dits» au dedans, comme des présences que la lumière et le parfum viendront rejoindre. Des dessins, réalisés au crayon graphite sur des voiles de papier de soie, évoqueront précisément cet univers du dessin si cher à l’artiste.

Mais on pourra surtout y contempler les spectaculaires gestes de papier de Claudine Drai, travail qui vient du dessin et qui s’appréhende à la fois dans son unicité et dans son ensemble. Ses papiers froissés, qui forment des sortes de figures humaines, des silhouettes, sont nommés «sculptures» pour établir un lien facile et compréhensible avec notre sémantique, car ils appartiennent à un univers qui est dessiné en plusieurs dimensions. Chaque silhouette semble avoir un bras, comme une lance, qui dessine une ligne s’ajoutant à celles déjà dessinées dans le papier par le froissage ; cette ligne qui vient se placer sur le corps comme un bras est une sensation.
Cette sensation vient se résoudre au bout de la ligne et trace l’espace dans la matière du papier pour rejoindre une autre ligne de surface, ou d’espace, comme si la ligne de papier touchait aussi la limite du visible et traçait l’autre espace. «C’est un univers qui trouve son espace presque au dehors, parce que les lignes sont aussi faites de papier, c’est la matière elle-même qui sculpte l’espace et se trace de lignes, de surfaces, d’espaces au dedans et au dehors de l’œuvre. Il faut se libérer de l’image et ressentir la vie des lignes entre elles».
Les figures démultipliées, parfois accumulées, laissent vivre entre elles des espaces qui deviennent tout à coup palpables. Ces figures ressemblent à des émotions qu’on peut soudainement toucher par le regard, à l’image de l’émotion qui « touche » avec la sensation, et c’est ainsi le soi qui apparaît. L’artiste nous montre là qu’on ne peut pas dissocier le réel de l’imaginaire, l’imaginaire étant l’émotion du réel.

«Exposer, ce n’est pas seulement montrer le travail de l’atelier mais c’est aussi vivre ce lien aux autres dans cette autre approche du sens du réel. L’espace de la structure, le papier, la lumière, le parfum, les mots parlent de mon histoire qui vient rejoindre l’histoire des autres». Chez Claudine Drai, à aucun moment il n’y a une illustration quelconque d’un monde; le parfum n’illustre pas les sculptures et la lumière n’illustre pas non plus le parfum. Elle cherche seulement à mettre ensemble des univers qui se traversent, se rejoignent, s’impriment et donnent à vivre le réel ou l’imaginaire, dans une création que seuls les poètes pourraient traduire par des mots.


Publication
Catalogue disponible à partir du 13 septembre : Claudine Drai – Présences, Textes de l’artiste et texte/interview de Harry Bellet. Å’uvres exposées reproduites. Format : 19,5 x 13,3 cm. Edition limitée à 2000 exemplaires. 

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