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Préludes et après-ludes

PMarguerite Pilven
@12 Jan 2008

Le peintre italien Valerio Adami expose actuellement des travaux réalisés entre 2001 et 2004. On sera probablement frappé par la profonde unité qui se dégage de chacune de ces compositions, par la saturation des surfaces où ne subsiste aucun blanc, aucune trace de doute ou d’inachèvement.

Personnages, paysages et objets s’articulent en des compositions complexes qui n’obéissent à aucune règle préétablie. Depuis des années maintenant, Adami a travaillé à mettre en place un langage plastique singulier, à la syntaxe rigoureuse, où les notions d’espace et de profondeur, de relation entre sujet et objet sont entièrement bouleversées, repensées de manière à pousser l’expression à son maximum d’intensité.

La ligne, le trait du dessin, commande tout ce jeu. Pas un tableau n’est réalisé sans que sa construction n’ait été au préalable définie au détail près. La ligne cherche son parcours dans le dessin préparatoire pour circuler ensuite sans hésitation dans l’espace du tableau qu’elle divise, sépare en plans, articule en figures et objets. Epaisse et noire, elle enchaîne les humains et les choses, les soude entre eux pour en stabiliser définitivement les rapports.

Il ne s’agit jamais pour le peintre de restituer le monde de manière réaliste, qui limiterait l’expression créative à la perception naturelle, confuse, toujours changeante du monde, mais d’en transposer les impressions par un assemblage mental qui ne cède jamais rien à l’ordre naturel des choses. Le tableau est toujours le résultat final d’une série de manœuvres graphiques recourant à l’ellipse, au collage, au travail de la mémoire. Les artifices narratifs propres au cinéma, comme celui de la coupe et du montage sont à l’œuvre dans les constructions plastiques du peintre.

Les tableaux déclinent des mises en scènes de couples, issus de la mythologie ou du quotidien. Lorsqu’ils s’enlacent, comme c’est le cas pour Figuracontrafigura ou Uomo e Donna in Palestra, l’étreinte des corps ressemble à une fusion impossible, où chaque personnage est finalement renvoyé à sa solitude. Le maniement de contrastes colorés opposant des pourpres à des tonalités glaciales, une ligne noire qui traverse et scinde les corps sont les équivalents plastiques par lesquels Adami figure le drame.

Ces variations autour d’un même thème, le couple, s’intensifient et prennent une épaisseur expressive par un recours à l’artifice. Celui des couleurs, d’abord, dont la saturation et l’intensité parfois quasi phosphorescente ne sont prélevées dans aucune réalité extérieure et qui apportent, par leur forte présence, une humeur, une tonalité psychologique au dessin. Les accessoires ont également leur importance dans la construction de ces allégories : radiateur, téléphone, bicyclette, ventilateur et sac à main occupent l’espace avec autant d’aplomb que les personnages.
On remarque ces mises en place efficaces de l’accessoiriste dans une composition comme Figuracontrafigura où le cintre sombre qui pend contre un mur de la chambre, les persiennes cassées chargent la composition d’une atmosphère oppressante, sans que l’on sache vraiment d’où ces objets banals tirent une telle puissance.

La représentation de rideaux, arcades, fenêtres et autres éléments d’architecture met également en abîme le caractère fabriqué de l’image. Aucune parcelle de l’œuvre n’est abandonnée aux désordres du sentiment et du pathos. Ces constructions sévères et calibrées proposent comme une retranscription objectivée des sentiments, semblables en cela au chant lyrique où douleur et mélancolie s’expriment, mais de façon étudiée et précise.
« Peindre moins et penser plus — la mémoire rumine — on perd son ego, on devient instrument, violon ou piano », écrivait le peintre.

Valerio Adami
— Jacques Derrida, ritratto allegorico, 2004. Aquarelle. 75 x 55,5 cm.
— Tourbillon, 2002. Acrylique sur toile. 194 x 260 cm.
— The Sphinx (Post Card Egypt), 2004. Acrylique sur toile. 198 x 147 cm.
— Honeymoon, Honeymoon, 2003. Acrylique sur toile. 198 x 147 cm.
— Coro e girotondo (à Paul Hindemith), 2004. Acrylique sur toile. 198 x 147 cm.
— Le Peintre (la mémoire qui enseigne ), 2004. Acrylique sur toile. 198 x 147 cm.
— Hamlet (Dressing Room), 2004. Acrylique sur toile. 198 x 147 cm.
— Figuracontrofigura (Allegoria politica), 2003. Acrylique sur toile. 198 x 147 cm.
— Malinconia, tema e variazioni, 2004. Acrylique sur toile. 265 x 198 cm.
— Blu notte (Vanitas), 2004. Acrylique sur toile. 198 x 147 cm.
— Il Muro di pianti (le mur des lamentations), 1998. Acrylique sur toile. 198 x 147 cm.
— Changing Frontiers (Israël), 2002. Acrylique sur toile. 198 x 147 cm.
— Lyric Theatre Dall’ Orlando Furioso (Roland en train de déraciner un arbre), 2004. Acrylique sur toile. 198 x 147 cm.
— David Playing Harp to Saul (Samuel 16.14.23), 2004. Acrylique sur toile. 198 x 147 cm.
— Etude pour le peintre (la mémoire qui enseigne), 2004. Acrylique sur toile. 81 x 65 cm.
— Le Peintre (la mémoire qui enseigne), 2004. Dessin. 48 x 36 cm.
— The Bar (la lutte des sexes), 2003. Dessin. 48 x 36 cm.
— Coro e girotondo (à Paul Hindemith), 2003. Dessin. 48 x 36 cm.
— Honeymoon, Honeymoon, 2003. Dessin. 48 x 36 cm.
— In memory of Narcissus, 2004. Acrylique sur toile. 146 x 114 cm.
— La Jeune fille et la mort, 2003. Dessin. 36 x 48 cm.
— La Jeune fille et la mort, 2003. Acrylique sur toile. 147 x 198 cm.
— In Memory of Narcissus, 2004. Dessin. 48 x 36 cm.
— Lyric Theatre Dall’ Orlando Furioso (Roland en train de déraciner un arbre), 2004. Dessin. 48 x 36 cm.
— King David, 2004. Acrylique sur toile. 146 x 114 cm.
— Dolce amaro, 2001. Acrylique sur toile. 194 x 260 cm.

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