ART

Portraits

PPaul Brannac
@12 Juil 2008

La vidéo Portraits rassemble l’essentiel des recherches esthétiques et anthropologiques de Joël Bartoloméo: le fait divers, l’histoire, la guerre, le mensonge, lui, son intimité ; le regard qu’il porte sur tout cela.

En descendant dans l’obscurité de la salle Boltanski, on perçoit les accents d’une chanson célèbre de Lou Reed, puis, un peu plus loin dans le noir, la voix de Léonard Cohen et celle, plus grave, d’un inconnu.
Sur trois écrans, des photographies alternent avec des vidéos dont le cadrage terriblement serré sur le visage de l’inconnu coupe le front, la bouche et ne ménage que les grands yeux sombres et tristes — un peu fous peut-être — de Joël Bartoloméo.

La première photographie projetée est l’insoutenable cliché d’Eddie Adams qui montre ce Vietnamien anonyme une seconde avant sa mort, d’une balle dans la tempe tirée par le chef de la police sud-vietnamienne. La vue est coupée : du meurtrier on ne voit que le bras qui tend l’arme. Puis la figure de l’artiste paraît à l’écran, attend un peu et se lance dans une longue confession de fautes imaginaires.
Le mea culpa achevé, sa caméra capte l’intérieur de son petit appartement avant de s’arrêter une dernière fois sur ses yeux. L’essentiel des recherches esthétiques et anthropologiques de Joël Bartoloméo est dans cette vidéo: le fait divers, l’histoire, la guerre, le mensonge, lui, son intimité ; le regard qu’il porte sur tout cela.

Près des accumulations de Boltanski, Joël Bartoloméo développe sa propre mythologie personnelle, plus économe de moyens, moins spectaculaire mais non moins inquiétante.
Des œuvres en mouvement, brutales et dépouillées où le décor tient en un visage. Cependant, ce visage en détresse, les mots de l’artiste, ne vont pas assez loin, ne semblent pas dire assez. Si introspectives et intimes que ces œuvres se veuillent, si près que soit ce visage, l’émotion, ou tout autre sentiment, ne passe pas.

L’écran est là que l’on n’oublie pas, limite patente entre l’artiste et son public, entre l’œuvre et l’œil. Il faut dire que la scénographie paresseuse et frustre (à peine quelques photocopies présentent-elles en désordre l’artiste et son propos) n’aurait pu mieux nous isoler chacun. De la bouche de l’artiste sortent des mots impuissants tandis que son regard lui aussi se cogne contre l’écran. Pourtant c’est certain, ces yeux-là avaient quelque chose de plus terrible et de plus grand à nous dire.

Joël Bartoloméo
— Little Snow White, 2006. Vidéo, 5mn29
— The Revolver, 2006. Vidéo, 4mn32

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