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Portraits

PMarie-Jeanne Caprasse
@12 Jan 2008

Han Lei aime la photographie ancienne et les effets de nostalgie. Sa série de portraits en noir et blanc, déclinée selon un même dispositif, fait surgir de l’ombre des êtres de chair appartenant à un temps indéterminé.

Dialogue avec six grands portraits aux noirs intenses et aux blancs duveteux, tirages aux sels d’argent de 150 sur 120 cm. Dans la pénombre du studio et l’éclat des lumières dirigées sur les corps, les visages captés à la chambre par Han Lei habitent intensément l’espace du cliché.

Au premier abord, la simplicité du dispositif et la sobriété des effets saute aux yeux. Han Lei va chercher ses modèles dans la rue ou dans son entourage et les fait poser en studio devant un rideau de couleur foncée. Il travaille à la chambre, en couleur, puis fait tirer ses photographies en noir et blanc, ce qui donne des noirs très intenses et des gris subtils.

Acteurs de théâtre chinois traditionnel et adolescents se partagent les cimaises de la galerie et prennent la forme de statues de chair modelées en noir, gris et blanc. Comme souvent avec le portrait à la chambre, les attitudes sont figées, les êtres immobiles. Le cadrage est serré, les attitudes souvent empreintes de gravité et d’introspection.

Se détachant du fond sombre, les êtres semblent sortir de l’ombre, dégagés de tout contexte, presque hors du temps. Bien que la chair soit affirmée, les figures ont un aspect fantomatique, comme si ces créatures terrestres avaient déjà fait leur temps et n’étaient plus que le témoignage d’une époque révolue, à jamais disparue. Reste la photo, elle, qui survit et fait preuve.

Le travail sur le passé et la mémoire sont au cœur de la démarche de l’artiste. Une réflexion qu’il a engagée il y a quelques années, notamment avec ses «paysages chinois fictionnels».
Avec cette série, Han Lei opère une réification du souvenir, une transformation de l’image du présent pour obtenir une photographie qui nous fait remonter le temps, vers un passé fictionnel, historique, emblématique de l’iconographie des paysages de la fin du XIXe siècle.
Au sous-sol de la galerie, on peut voir deux de ces paysages. Ils permettent de mettre en perspective la série de portraits dans ce qui fait la singularité du travail de Han Lei. Une œuvre où s’opère la dilution des références temporelles, empreinte d’une nostalgie qui puise son suc dans le temps présent.

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