ART | CRITIQUE

Portes et Fenêtres

PMarguerite Pilven
@12 Jan 2008

Dans son exposition Portes et fenêtres à la galerie Daniel Templon, Claude Viallat procède à une analyse patiente des composantes matérielles de la peinture, ouvrant sur une poésie visuelle marquée par la thématique du passage. La peinture, fenêtre tournée vers le monde ou vers l’intériorité ?

Lorsqu’en 1967, le groupe BMTP (Buren, Mosset, Toroni, Parmentier) répondait à la crise de la peinture par une attitude nihiliste, Claude Viallat et d’autres que l’on a groupé sous la bannière Support-Surface choisissaient tout juste d’en expérimenter les possibles dans une démarche analytique de ses composantes : planéité du support, relations de la forme au fond, effets du pigment sur la toile et par extension sur d’autre tissus.
L’actuelle exposition des œuvres de Claude Viallat, galerie Daniel Templon, peut être perçue comme un approfondissement de ses questions sur la peinture. Portes et fenêtres en est le titre, annonçant les structures autour desquelles il organise ses compositions.

Toiles de tente, auvents de magasins sont les tissus employés et montés ensemble par de grosses coutures marquant les verticales et les horizontales. Seules formes porteuses de mouvement : ces fameux rectangles mi angulaires, mi arrondis, signature de l’artiste, qui traversent le tableau en diagonale et invitent l’œil à en balayer l’espace. La trajectoire n’est plus incursion du premier plan vers le fond (portes et fenêtres sont fermées), mais celle, légère, qui expérimente le tableau dans sa planéité, en surface.

Ou peut-être sommes-nous à l’extérieur de tableaux-portes et tableaux-fenêtres, et regardons-nous vers l’intérieur ? Sur des tentures asiatiques décorées de dragons brodées, ou de fins rideaux transparents parsemés de petites fleurs sont peintes ces formes abstraites. Le pigment dilué ou saturé de leurs couleurs vives laisse transparaître la trame du tissus ou non. La forme se détache du fond ou est traversée par l’imprimé du support. Leur relation se décline en de multiples possibles et engendre des effets visuels de transparence ou d’opacité.

Une dynamique se créé entre les composantes du tableau, Claude Viallat les manipule librement et les fait se rencontrer de diverses façons : le tissu boit la couleur ou disparaît derrière elle, les formes passent par dessus le cadre du tableau ou glissent en dessous.
Tout est possible, ce qui donne à la surface du tableau un caractère vivant, en devenir.

Cette potentialité de la peinture, Claude Viallat nous la montre dès le début, à travers une analyse patiente de ses composantes matérielles, qui ouvre sur une poésie visuelle où la thématique du passage est très présente. Le titre Portes et fenêtres ne fait-il pas aussi référence à des questions essentielles de la peinture, de ce qu’elle doit nous montrer, par exemple.
La peinture, fenêtre tournée vers le monde ou vers cette intériorité dont parlait Kandinsky ?

Les peintures de Claude Viallat sont en zone frontière. Ces formes abstraites dont il anime ses toiles donnent l’impression de passer sur la surface, à la manière d’ombres ou de traces de pas, ou de flotter dans l’espace du tableau. On y voyage, pensant parfois à ces autres tableaux-seuils que sont les Intérieurs de Matisse.

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