ART | CRITIQUE

Politiques

PMarguerite Pilven
@12 Jan 2008

L’artiste-affichiste Jacques Villeglé inaugure dès le début des années 50 une attitude artistique radicale : il limite volontairement sa démarche plastique au prélèvement d’affiches lacérées, puis à leur transfert sur toile, faisant ainsi exister des productions anonymes et collectives dans le monde de l’art.

Limitant volontairement sa démarche plastique au prélèvement d’affiches lacérées, puis à leur transfert sur toile, Jacques Villeglé inaugure dès le début des années 50 une attitude artistique radicale, fondée sur le désir de faire exister ces productions anonymes et collectives dans le monde de l’art.
Renonçant au traditionnel statut d’artiste-auteur, il se fait le découvreur, puis le passeur de ce qu’il considère comme une nouvelle peinture sociale. Les affiches politiques faisant l’objet de l’exposition constituent un ensemble particulièrement éloquent de ce désir de rendre manifeste une expression d’ordre collectif.

Outil essentiel de propagande, l’affiche politique n’est-elle pas la plus apte à soulever les passions du «Lacéré Anonyme»? Inventé par Villeglé, cet artiste fictif personnalise l’ensemble des interventions réalisées sur les affiches par des individus anonymes. A la suite de déchirures successives et d’arrachages sauvages, le slogan politique côtoie la réclame, les noms et visages de leader politiques apparaissent, tronqués par des mains rageuses. Au message imprimé se mêlent également les revendications écrites.

L’affiche se modifie au gré des humeurs successives, son message s’altère et se mélange à ceux des affiches qu’elle a recouvertes jusqu’à devenir illisible. Des fragments de couches inférieures apparaissent, provoquant à la surface un chaos de couleurs et de signes porteur d’affects : un nouveau langage plastique apparaît qui convertit la surface de l’affiche en une arène symbolique dont les messages se disputeraient la suprématie.

Partageant avec les Nouveaux Réalistes une démarche affirmant la portée décisive du choix et de la réappropriation d’objets quotidiens, Villeglé s’en distingue cependant par le caractère exclusif de l’objet choisi et l’absence d’intervention sur celui-ci. Partant du constat que le dialogue est impossible avec «l’esthétisme institutionnel qui se veut une manifestation de soi-même», l’engagement artistique de Villeglé peut-être perçu comme une réponse à la sclérose intellectuelle de son temps.

Son renoncement au statut d’auteur procède également d’une volonté d’accélérer le mouvement d’ouverture de l’art vers une extériorité, un autre, pour créer la possibilité d’un dialogue renouvelé, aux prises avec le réel.

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