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Plastique danse flore

PSophie Grappin
@22 Sep 2011

Claudia Triozzi signe une «conférence montée» ingénieuse où elle laboure le champ historique de la danse à partir d’un dispositif dépouillé qui met en lumière le caractère royal de sa présence comme du lieu. Une réflexion autour de la figure idéale, cette représentation de l’Autre que tout ballet classiquement met en scène.

Difficile de ne pas d’abord s’agacer, d’éprouver quelques regrets devant les imperfections de cette représentation en plein air qui malmène le travail sonore. Dans ces précédentes pièces, Claudia Triozzi nous a habitués à l’excellence d’un traitement vocal, presque trop investi, alors chaque coupure de son agit comme un coup de fouet, met à l’épreuve notre qualité d’écoute, notre attention.
A ces défaillances techniques s’ajoute le ton libre, improvisé et très déroutant d’une discussion à trois, où la chorégraphe interroge deux personnalités du monde équestre, deux modalités de la monte féminine que constituent l’Amazone et le califourchon.
Mais si la nouvelle création de Claudia Triozzi s’appuie sur une forme d’inconfort, peut-être faut-il l’accepter comme inhérente à son propos.

La thématique est lumineuse: il s’agit ici, dans le potager du roi Soleil, au moment même du coucher de l’astre, d’interroger la piste séminale du ballet équestre en tant qu’idéal, comme le suggère le titre de la pièce. Elle nous renvoie à la genèse de nos pratiques chorégraphiques, à la nature du corps que l’on fait danser, mais également à la place des femmes dans ces mouvements de révolution, où l’ouverture des cuisses est un mode distinctif définissant tout à la fois position et posture.
Aussi, la question de la discipline et de la domination se trouve au cœur de cette anodine reprise d’équitation.
Qui domine qui, du cavalier ou de la monture et qu’est-ce qui domine dans cette relation à deux? Quel est le sujet qui mène le mouvement?
Quelle place faite à la pulsion, au sexe?
Petit manège brillamment commenté, l’air de rien, par une Claudia Triozzi qui comme à l’accoutumé joue tous les rôles. Tantôt élève disciplinée, qui applique comme elle peut les consignes pour tenir à cheval, tantôt maîtresse de ballet qui donne ou reprend la parole à ses «invitées», ou bien, encore, cette oreille surtout pas neutre d’une analyste à l’accent italien, toujours prête à nous renvoyer l’étrangeté d’un mot. En passant par les chemins du travail vocal, elle dégage dans chaque terme relevé toute la force du signifiant, qu’elle balance d’un air amusé avec autant d’extravagance que de naturel.
Au centre de la représentation culmine l’ensauvagement du galop, forcément sexuel, tendance sado-masochiste, à la manière du chant d’ouverture qu’entonne la chorégraphe pour venir panser son partenaire équin: «La douce ! La dure ! la douce…la Dure».
Certes l’ensemble contient parfois quelques longueurs, et les déambulations à cheval s’avèrent certainement plus agréable à pratiquer qu’à regarder — comme nous le rappelle, avec une pointe de sarcasme, la chorégraphe—, mais il jaillit de la proposition une forme spectaculaire qui interroge avec justesse la désormais classique «conférence dansée». Claudia Triozzi n’est pas Xavier Leroy, et sa présence en scène tout sauf un «produit de circonstance». Il s’agit d’une étape au milieu d’un parcours, dépouillée semble-t-il de beaucoup de ses moyens, hormis la préciosité du corps de Clyde qui fait écho à celui de la danseuse.
Dans un final sans artifices, Claudia Triozzi nous enjoint à la suivre à cheval, vers un ailleurs qu’on espère aussi fertile que la terre foulée ce soir-là…

Conception et interprétation: Claudia Triozzi.
Avec: Anne-Laure Chalumeau et son cheval Clyde, Christine Théron-Rochette présidente de la Comission Amazone au sein de la Fédéréation Française d’Equitation.
Son et voix: Christian Sotomayo et Claudia Triozzi.

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