ART | CRITIQUE

Plan sidéral

PMagali Lesauvage
@12 Jan 2008

L’artiste suisse John M. Armleder expose pour la première fois dans la toute jeune galerie parisienne ColletPark. Aux confins de la sculpture et de l’installation, son travail exerce une fascination esthétique toujours vivace.

John M. Armleder est un artiste majeur de l’art conceptuel, ayant inauguré et suivi les évolutions dernières de l’histoire de la sculpture. Il est le co-fondateur en 1969, avec plusieurs artistes proches de Fluxus, du groupe «Ecart», terme aux significations multiples, mais qui définit quelques éléments clés de son œuvre: l’écart perceptible entre les formes d’art traditionnel et les expressions qui émergent alors, comme la performance et la vidéo; la volonté de transformer la perception de l’œuvre et le lien, ou la distance, entre l’œuvre et le spectateur; l’écart, enfin, entre l’œuvre projetée et le résultat final, obtenu d’après les indications de l’artiste.

De ces divers écarts, ou distanciations, John M. Armleder puise une certaine ironie. Les célèbres Furniture Sculptures, réalisées à partir de 1979, sont des réemplois de meubles ordinaires, qui, superposés selon des accords de volumes ou de couleurs, accèdent au rang d’œuvres d’art. Le geste de l’artiste se résume au choix, sans que sa main joue réellement un rôle.

Les œuvres présentées à la galerie ColletPark réinitialisent cette pratique. Intitulée «Plan sidéral», l’exposition présente cinq œuvres très récentes de John M. Armleder, qui viennent compléter judicieusement la grande rétrospective organisée l’an passé au Mamco de Genève. Pour ces objets-installations, l’artiste a imaginé un monde hors du temps et hors des géographies réelles, en rapport avec une mythologie imaginaire. Orichalque, Tiahuanaco ou Opar évoquent les noms de contrées perdues, dont les repères manquent.

De fait, face aux œuvres le spectateur perd ses repères. Les surfaces convexes de Tiahuanaco (2007), série de plaques en plastique doré couvrant une paroi entière, ou de Orichalque (2007), sorte de «Furniture Sculpture» constituée de trois boules en inox disposées sur une plaque de verre, troublent la perception de la réalité. Hyper Borea (2007) est un mur recouvert de néons entrecroisés, dont la très forte intensité éblouit le regard et écrase les volumes, annihilant ainsi toute possibilité de perception d’un objet extérieur à l’œuvre.

Le mode de la répétition est également mis en œuvre dans Opar (2007), alignement de planches de surf recouvertes d’un tissu hologramme, aux reflets changeants. Cet aspect décoratif, très sensible également dans l’œuvre Zothique (2007), assemblage de boules disco, est justifié par l’artiste comme un moyen de contrebalancer l’esthétique trop strictement abstraite des œuvres, et qu’il nomme avec une ironie salutaire «le cauchemar de Carl Andre ou de Sol LeWitt».

John Armleder
— Zothique, 2007. Boules disco – métal, moteur, lampe halogène. 140 x 140 x 43 cm.
— Tiahuanaco, 2007. Plastique doré. 490 x 273 x 10 cm /chaque 75 x 75 x 10 cm.
— Orichalque, 2007. Boule inox, verre, métal. 120 x 35 x 44 cm.
— Hyper-Borea, 2007. Lampe, néon, bois. 592x 296 x 7 cm.
— Opar, 2007. Installation. 7 surfs. Résine, tissu hologramme, mousse polyuréthane. 450 x 35 x 270 cm. Chaque surf 50 x 270 x 10 cm.

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