ART | CRITIQUE

Pilar Albarracín

PSarah Ihler-Meyer
@19 Juin 2009

Regards torrides, lèvres rouges, accroche-cœur et chaussures à talons, balais, têtes de loup, serpillières et gants en plastique, Pilar Albarracín se joue de tous les lieux communs de la femme espagnole auxquels elle oppose des contrepoints sous forme de vidéos humoristiques.

Accrochées aux murs ou installées sur des présentoirs, des cartes postales kistch constituent l’essentiel de cette exposition. Des couples dansent le flamenco dans des patios parsemés de fleurs, les femmes, une rose à l’oreille, les lèvres rouges et le regard enflammé, sont vêtues de robes colorées et chaussées de talons noirs. Les hommes, corsetés dans des tenues de matadors, accompagnent les déhanchements de leurs partenaires de mouvements sensuels.

Plus loin, des portraits de Pilar Albarracín en Espagnole suave et piquante. Sur fond de couleur parme, de face ou de profil, elle offre au regard le visage stéréotypé de l’Espagnole. L’air fier et passionné, mouchettes et accroche-cœur, tissus flamboyants ou tenues de dévotes, voici exposés quelques-uns des préjugés liés au monde ibérique.

A l’opposé de cette fantasmagorie, des clichés moins glamour travaillent aussi l’imaginaire collectif. Il s’agit de la femme de ménage ou de la concierge espagnole. Une série de portraits présente cette fois-ci Pilar Albarracín en «agent d’entretien». Balai en main, gants en plastique, serpillière et tunique bleue sont au nombre de ses attributs.

En reprenant les modes de composition propres aux icônes païennes ou monothéistes, généralement parées de leurs symboles, ces archétypes s’affirment ici comme tels. Car, si les divinités religieuses incarnent des vertus et des vices intemporels plus que des singularités, alors, en adoptant leur apparence, les figures de Pilar Albarracín relèvent de l’archétype.

Ça et là, dans les présentoirs de cartes postales ou au sol de la galerie, des vidéos sarcastiques viennent fissurer cette imagerie trop lisse. Un homme tenant une femme la laisse tomber au bout de quelques secondes, une autre en tenue de mariée affiche un sourire édenté, un ivrogne et sa compagne présentent des faciès d’abrutis. Le grotesque parasite ici l’atmosphère folklorique des cartes postales, mise en place sous Franco afin de voiler une réalité sociale moins glamour.

Si les cartes postales et les vidéos de Pilar Albarracín sont autant de confrontations avec nos propres préjugés, elles révèlent aussi les enjeux politiques qui sous-tendent la formation des archétypes : occulter l’histoire par une imagerie construite hors du temps.

Pilar Albarracín
— Sans titre, 2009. Photographie, broderies, tissus. 15 x 10,5 cm chaque élément.
— Sans titre, 2009. Photographie couleur et broderies. 22 x 15 cm chaque élément.
— Sans titre, 2009. Séries de 4 photographies couleur et broderies. 22 x 15 cm chaque élément.
— Recuerdos de España, 2009. 5 structures métalliques, cartes postales, écrans LCD et vidéos. Dimensions variables.

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