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Pierrette Bloch

Célébrée en 2002 au Centre Pompidou, Pierrette Bloch compte aujourd’hui comme l’une des grandes figures de la peinture en France. Son oeuvre, à la fois discrète par les moyens mis en oeuvre et fascinante par sa richesse, est l’une des plus originales de notre époque.

Information

Présentation
Sylvain Amic
Pierrette Bloch

L’œuvre de Pierrette Bloch est originale: elle s’apparente à la quête ininterrompue d’une forme impossible à l’aide de moyens frustes. Elle use de matériaux inusités, qui sont les vecteurs de diverses formulations esthétiques: l’encre de Chine sur papier répète à l’infini des petits points inscrits au pinceau ; le crin de cheval est déroulé sur des fils de nylon. Elle travaille sur une horizontalité sans limites obligées, alignant des points ou des graphismes en boucle. Elle y imprime des rythmes et des cadences. Cette œuvre de réitération et de ressassement peut être rapprochée de celle des artistes de Supports/Surfaces que l’artiste a côtoyés ; elle partage cette idée que la peinture vaut pour elle-même et ne fait pas référence à un ailleurs. On peut également l’apparenter aux artistes du groupe Zéro, pour lesquels le rien renvoie au plein et le silence laisse entendre l’indicible. Son art puise dans l’art primitif et l’art pariétal, voire l’art médiéval.

Née en 1928 à Paris, Pierrette Bloch se réfugie en Suisse pendant la guerre où elle suit des conférences sur l’art à Lausanne, notamment celles de René Huyghe qui abordent la ligne et le problème du rapport du dessin à l’écriture et au temps, préoccupations qu’elle s’approprie par la suite dans son rapport à l’œuvre. De retour à Paris après la guerre, elle réalise ses premières œuvres: des peintures abstraites, où se lit déjà son intérêt pour l’ombre et la lumière. En 1951, elle fait la rencontre à New York de Pierre Soulages, dont elle admire le travail, et fréquente également Hans Hartung et Gérard Schneider. A partir de 1953, sa présence s’affirme avec ses premiers Collages chargés d’encre de Chine, mais elle s’en écarte cependant dès 1955 et entre dans ses “années d’errance”. Elle réalise alors des peintures dans le secret de son atelier: des Encres laissant en réserve des petits bouts de papier blanc, jouant du vide/plein, positif/négatif. Déjà, elle privilégie le papier et le noir et blanc.

Son travail sur l’encre débouche sur des rythmes et des espaces où la détermination du propos est confrontée au hasard. De retour sur la scène artistique, elle simplifie et épure ses Collages entre 1968 et 1971, puis réalise des séries d’Encres à partir de 1971 où un même geste imperturbablement répété produit une même forme, la plus élémentaire qui soit : point, boucle, ligne ondulée… Elle crée des lignes à l’aide d’un pinceau tenu de la même force tout au long de la page qui, données par la répétition de ces motifs de la gauche vers la droite, se succèdent de haut en bas. La main implique des variations de rythme qui animent l’espace. Cela forme comme un mystérieux murmure proche d’une écriture. Elle travaille sur des feuilles apposées au sol et retourne ainsi à une gestuelle primitive.

Sa démarche la conduit ensuite à l’exploration de nouvelles formes, pour lesquelles elle va employer des matériaux inusités et mettre en œuvre des pratiques originales. En 1974, elle se lance dans la réalisation des Mailles utilisant des filins, des cordages, des câbles, qui tiennent tous dans leur structure de l’écheveau ou de la tresse. Dès 1984, ce sont les Sculptures de crin, obtenues à l’aide de lignes de nylon tendues et tenues à dis-tance du mur éclairé – formant ainsi une ombre – scandées par des nœuds de crin bou-clés et répétés par un espacement. Ces expressions pures du temps et de l’espace forment au fur et à mesure des séries, comme pour les Encres.

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