PHOTO | CRITIQUE

Pierre Faure

PMuriel Denet
@12 Jan 2008

Une tradition documentaire qui a la ville pour terrain d’opérations, et la place improbable de l’individu pour préoccupation — des corps, et leurs histoires, dans les interstices urbains.

Une demi-douzaine de photographies au mur, une vidéo en boucle : l’accrochage de Pierre Faure est sobre. Les tirages en format cinémascope sont grands, sans monumentalité. Une certaine modestie pour un point de vue singulier au sein d’une tradition documentaire qui a la ville pour terrain d’opérations.

Loin de l’approche froide des documentaristes allemands, tels que Thomas Ruff et Thomas Struth, qui la disséquait en la vidant de ses habitants, mais tout aussi loin d’une vision anecdotique d’un Stephen Wilks, récemment exposé à l’Atelier, qui jouait de télescopages quasi surréalistes, la problématique de Pierre Faure se concentre résolument sur la place improbable de l’individu dans cet espace incertain, où la ville s’effiloche en ses franges.

Les plans sont larges. Ils évoquent des photogrammes de plans-séquences, de travelling ou de panoramiques, qui auraient été chercher, ou laissé advenir, les personnages de fictions qui, elles, demeurent hors champ : au milieu de surfaces cultivées à perte de vue, une femme marche droit vers la caméra, un bouquet de jonquilles à la main, sur le bas-côté d’une route déserte, bordée de bannières commerciales ; plus loin, quelques chauffeurs de taxi discutent, en attendant leur tour, entre les files serrées de leurs véhicules, sous le flux continu d’une voie rapide qui les surplombe.
Les corps, et leurs histoires, s’engouffrent dans ces pauvres interstices pour exister. L’espace public — l’agora de la rencontre et de l’échange — a disparu, emporté par les flux circulatoires.

A Silent Dial est un montage de séquences vidéos de natures hétérogènes, qui alterne des mouvements de foule, dans des couloirs souterrains et obscurs, dont les flux contradictoires s’annulent, et des plans de prisonniers efflanqués, ou de cadavres affreusement mutilés.
Au risque du lieu commun de l’indifférence au malheur du monde, déversé en flots continus sur nos vies protégées, et soumises, jusqu’à l’anesthésie. Au risque d’un message lourdement didactique, et moralisateur.

— Sans-titre n°42, 2001. Photographie couleur.
— Sans-titre n°46, 2001. Photographie couleur.
— Sans-titre n°3, 2001. Photographie couleur.
— Sans-titre n°28, 2001. Photographie couleur.
— Sans-titre n°50, 2001. Photographie couleur.
— Sans-titre n°26, 2001. Photographie couleur.
— A Silent Dial. Vidéo.

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