PHOTO

Pierre-Évariste Douaire. Jeu de ballon interdit

PZhen Guogu
@12 Jan 2008

Pierre-Évariste Douaire place un peu partout ses ballons baudruches. Avec cet outil simple mais original, il transforme le quotidien autant qu’il s’en empare. Avec ironie ou déférence, il parasite autant qu’il rend hommage aux lieux qu’il investit. Il joue à cache-cache avec la cité et ses habitants. Douaire ne manque pas d’air: Duchamp emprisonnait l’air de Paris, Manzoni proposait du souffle d’artiste, gageons que ses ballons s’envoleront vers de semblabes succès...

L’E.M.B. de Sannois accueille la première exposition personnelle de Pierre-Évariste Douaire. Intitulée « Jeu de ballon interdit », elle annonce la couleur des tirages accrochés sur les cimaises. Ce jeune artiste val d’oisien travaille comme les enfants jouent dans les squares. Au-delà des interdictions, il franchit les lignes blanches pour jeter sur le pavé, à travers les grilles et jusque dans les arbres, des ballons baudruches.

Comme un tagueur fou, il distille dans la ville sa signature colorée, mais à l’inverse des graffiti, sa trace reste toujours éphémère. Entre sculpture et installation, ses interventions sont douces et légères. Privilégiant les faubourgs des villes, il organise son essaimage de ballons comme une marche, celle-ci peut-être quotidienne — les transports qu’il prend tous les jours —, ou bien se confondre avec un voyage. Poser des ballons, pour l’artiste, c’est entamer une promenade de quelques heures ou de plusieurs jours. Comme une dérive programmée c’est agir avec un plan, mais c’est aussi se laisser porter par l’inspiration et les contraintes du jour et de l’heure. Que ce soit lors d’une journée de congé — comme le 14 juillet —, ou pendant un voyage en Europe, le postulat est le même, il part avec des idées en tête, des idées de photos et puis il est rattrapé par la nécessité de l’instant.

Le ballon est comme cette mauvaise herbe, cette fleur des pavés, il pousse là où on ne l’attend pas. La ville est un support privilégié, elle est à la fois châssis et cadre. C’est un lieu de vie et d’exposition permanente. Agir dessus c’est comme entrée au musée, c’est se confronter au regard d’un public pressé mais parfois curieux.

Placer des ballons sur les murs, les panneaux d’affichage, les grilles, les chaînes, les affiches, les arbres permet de se confronter à la grandeur de la ville. Face à l’architecture monumentale la confrontation ne peut se faire que d’une façon ironique. Le ballon a la même durée de vie qu’un papillon, il passe de l’état de larve à celui de bestiole tourbillonnante. Les corps de latex sont fragiles et chancelants. Ils peuvent à tout moment éclater ou être pillés par la bande hilare des gamins du quartier.

Bravant les interdits administratifs, il envahit la chaussée et les panneaux d’affichage. Ses actions sont autant des hommages que des parasitages. La série « Bellmer », Poubelle rose (2002) ou Judd (1999) fonctionnent comme des cautions, elles permettent à l’artiste gonflé de se glorifié du travail de ses pairs. L’appropriation est une technique largement utilisée, elle marque le territoire autant qu’elle est marquée par lui. Les murs des faubourgs ou ceux du musée Guggenheim de Bilbao servent d’écrans de projection à ces sculptures gonflables jamais molles.

La ville et l’éphémère sont les deux mamelles sur lesquelles se nourrit cet art urbain impertinent, mais toujours parfaitement rangé en lignes de couleur rouge, bleue, argent (2001), blanches (1999) … Les ballons, s’ils rappellent l’enfance, sont, dans leurs amoncellement, sexués. Comme les mannequins démantibulés de Bellmer, les Pin-Up (2002) affichent des rondeurs protubérantes, et les Herbes folles (1999) dressent des tiges quelque peu phalliques. La sexualité est foisonnante comme un bouquet de fleurs. Entre fantasmes et humour, les ballons se glissent dans les « coinstots bizarres », sortent des gouttières, des égouts, ou des affiches 4 x 3.

Ce panorama de cinq ans de production permet de découvrir les facettes et les directions de travail d’un plasticien qui ne manque pas d’air. Duchamp emprisonnait l’air de Paris, Manzoni proposait du souffle d’artiste, espérons que les ballons de Pierre-Évariste Douaire connaîtront le même succès.

Site internet
douaire.fr

Pierre Douaire
— Ligne blanche, Venise, sept. 1999. Photo. 50 x 75 cm.
— Ligne argent, Bilbao, févr. 2001. Photo. 75 x 50 cm.
— Ligne de couleur, La Défense, mars 2003. Photo. 50 x 75 cm.
— Rayures (série Affiche), Saint-Denis, 14 juil. 1999. Photo. 75 x 50 cm.
— Accumulation (série Affiche), Champ de Course d’Enghien, 14 juil. 1999. 75 x 50 cm.
— Poubelle rose (série Bellmer), Budapest, juil. 2002. Photo. 75 x 50 cm.
— Chaîne rose (série Bellmer), Paris, déc. 2002. Photo. 50 x 75 cm.
— Pin-Up jaune, Vienne, juil. 2002. Photo. 50 x 75 cm.
— Arbre à bulles, Sannois, nov. 1999. Photo. 75 x 50 cm.
— Herbes folles, Stockholm, sept. 1999. Photo. 50 x 75 cm.
— Hommage à Judd, Oslo, sept. 1999. Photo, Post-It. 75 x 50 cm.

AUTRES EVENEMENTS PHOTO