ART | CRITIQUE

Pierre Bismuth, Laetitia Bénat

PProvoke, entre contestation et performance, la photographie au Japon 1960–1975
@12 Jan 2008

Exposition à deux voix. Une grande installation ludique en forme de gruyère à petits et gros trous de Pierre Bismuth côtoie la fragilité et la vulnérabilité exprimées par les dessins que Laetitia Bénat esquisse à même les murs.

À l’entrée de l’exposition, Pierre Bismuth a disposé deux moniteurs au sommet d’une colonne blanche. Ils semblent là pour diffuser une vidéo de Bruce Nauman, comme l’indique un cartel dans un coin, mais qui n’est pas accroché ; tandis que les écrans restent noirs, sans image. Hiératiques, les moniteurs se présentent comme des sculptures.

La salle suivante est séparée par deux vastes parois parallèles de contre-plaqué coloré. La première paroi est perforée de larges trous circulaires qui laissent apparaître une seconde paroi également perforée, mais de trous plus petits. La galerie est en quelque sorte transformée en gruyère ! Au sol, les découpes sont empilées à la manière des colonnes précaires de jetons sur les tables de jeu. Les cercles de bois sont des pleins qui renvoient aux espaces vides de la cloison. Les formes géométriques, la construction de l’espace en gruyère, les couleurs — bleu au premier plan, rose au second —, ainsi que le titre même de l’exposition — « Presque identique, très légèrement différent » —, définissent un espace ludique. En passant d’un trou à l’autre, on joue à cache-cache sans le savoir.

Toujours de façon ludique, Pierre Bismuth présente également une série d’images populaires montées sous verre : une affiche du film Matrix, une page de revue pornographique, une vue panoramique de Manhattan, etc. Vue de près, chaque image révèle des traces géométriques de plis (lignes parallèles, triangles, carrés). Ces savants reliefs sont les empreintes laissées par un travail de pliage selon la tradition japonaise des origamis.

Dans les arcanes de l’enfance, Laetitia Bénat privilégie la fragilité, les difficultés à maîtriser le monde et les affects. Cette vulnérabilité s’exprime dans des dessins esquissés à même les murs : des corps de femmes, des petits bouts de racines, des visages inachevés. Le tracé hésite, les lignes s’effacent pour évoquer des êtres entre présence et absence.

Les vidéos (au sous-sol) confirment la distance artistique qui sépare Pierre Bismuth de Laetitia Bénat.
Pour One Man Show, Bismuth projette un film de Buster Keaton en miroir : sur l’écran apparaissent deux images symétriques, et des personnages dédoublés comme des clones. Les gags et scènes burlesques fournissent la trame d’un film de forme proliférante et monstrueuse qui hypnotise. Le chef d’œuvre burlesque est ainsi recyclé en film fantastique, et la dimension ludique de l’effet technique bascule dans la manipulation.
Le film de Laetitia Bénat, Nearby, est au contraire consacré au sujet grave de l’incommunicabilité : un couple enfermé dans un appartement s’épuise à recréer une intimité à jamais perdue. On arrive à une perception presque physique du vide…

Pierre Bismuth
— Des choses en moins des choses en plus, 2003. Cloisons légères de contreplaqué perforées. haut. : 3 m 80, large. : 7 m 25, prof. : 12 m.

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