PHOTO | CRITIQUE

Pictures of magazine 2

PMarie-Jeanne Caprasse
@24 Sep 2012

Vik Muniz est un manipulateur d’image. Dans sa série Pictures of Magazine 2, il recompose des tableaux célèbres à l’identique à partir de morceaux de papiers déchirés. L’étape ultime consistant à mémoriser ce travail via la photographie dont on peut voir ici neuf grands formats.

L’étonnement est la première impression suscitée par la vision de ces grandes photographies qui, lorsqu’on les parcourt à une certaine distance, nous donnent à voir des peintures célèbres, de Manet, Van Gogh, Cézanne, Mary Cassatt ou Le Caravage.

Ce sont des reproductions mais d’un genre un peu particulier puisque Muniz les a fabriquées à l’aide de papiers découpés provenant de journaux, de publicités, de bandes dessinées ou de livres. En se rapprochant de l’œuvre, on peut alors distinguer clairement ici une voiture, un visage, une fleur, des lettres ou même des mots. Ce morcellement et ces images dans l’Image déclenchent une mise en abîme de la perception visuelle, soulignant le caractère illusoire de toute représentation qui repose sur l’agencement de formes et de valeurs colorées, mais aussi sur la mémoire de notre culture visuelle.

Passé maître dans cet exercice de reproduction des icônes de l’histoire de l’art ou des photographies de reportage de presse, l’artiste illusionniste utilise les matériaux les plus divers pour reproduire formes et couleurs du motif. Depuis plus de vingt ans, il travaille ainsi par séries autour d’un médium particulier comme la terre, le sucre, la confiture, le ketchup, le fil de fer, la corde, le chocolat, les pièces de puzzle, la poussière ou même les excréments.
C’est ainsi qu’avec humour, il simule et crée une illusion qui trouble notre perception et nous fait croire à une chose qui n’est pas seulement ce qu’elle semble être mais aussi autre chose. Je vois une œuvre de Manet mais je vois aussi des milliers de petits papiers découpés sur lesquels je perçois également des photographies d’êtres ou d’objets, des dessins ou des couleurs.

Mais il subsiste une frustration: Muniz met au centre de l’œuvre le matériau constitutif de l’image et pourtant, la matière est absente, mise à distance par la prise de vue. Et ce d’autant plus que ces grandes photographies au tirage parfait sont elles-mêmes encadrées et mises sous verre.

S’il se fait sculpteur d’images à partir de matières premières insolites, leur capture photographique ne donne à voir qu’une reproduction de l’aboutissement de ce processus. Même si l’on sait que la plupart de ces matériaux ne peuvent se conserver, on se prend à regretter d’être ainsi totalement coupés de cet acte de transformation et de sa matérialité, car là réside une grande part de la jubilation et l’intérêt de son art.

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