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Photographies

PAntoine Isenbrandt
@12 Jan 2008

A travers neuf clichés, Daniel Malhão cherche à nous interroger sur un des nombreux pouvoirs de la photographie: celui de questionner le visible.

Daniel Malhão rend visibles les processus d’élaboration de l’image, non pas en les laissant entendre par des affleurements techniques et internes de fabrication de l’artefact, mais en photographiant directement rotatives, imprimantes, bidons d’encre et ouvriers imprimeurs eux-mêmes.

Pourquoi photographie-t-il ainsi les instruments de fabrication de l’image? Peut-être pour appeler à poser un regard sur un corps singulier, en mouvement interne, productif et infaillible. Le cliché d’une très imposante rotative autour de laquelle un ouvrier tourne évoque une matrice, une sorte de reine des abeilles, inamovible qui donne naissance à l’image imprimée. Ronflante et tapie au fond de son hangar, elle donne au monde l’accès à l’information visuelle dont il ne peut plus se passer.

Une autre photographie montre en plan rapproché les «entrailles» d’une machine de même type, ses tubulures et composants sont ses organes vitaux, ce qui n’a pas pour but de célébrer, comme l’a fait Germaine Krull, ces cathédrales de ferraille, mais de souligner leur constitution organique, quasiment cellulaire.

Quatre vues de l’imprimante «Lambda Printer» se tiennent côte-à-côte, très rapprochées, en série, elles introduisent une perturbation dans la perception de l’image. Selon un vocabulaire minimal, elles sont prises de près, en un unique plan, sans profondeur, comme des monochromes gris, interrompus parfois par un texte technique et une vis nécessaire. On s’interroge de fait, si ce sont des photographies objectives ou du texte imprimé, sur des cartons d’invitation par exemple.
Le jeu opère sur la matérialité de l’objet qui provoque une perturbation iconographique: est-ce une photographie de l’imprimante? Ou une impression sortie de cette imprimante? C’est en fait les deux à la fois. Des clichés de l’imprimante mais aussi, dans la continuité, des photographies imprimées par cette imprimante (des «Lambda prints»).
Cela a pour effet de découper entièrement le processus et de le rendre visible à travers toutes ses étapes d’élaboration à la fois. Une mise en abîme qui continue jusque sur les plaquettes de vernissage de l’exposition qui sont elles-mêmes, sur fond gris, des mises en garde techniques d’utilisation.

Une autre série, ici composée de deux clichés, semble représenter ce qui a tout l’air — fond d’un noir dense et virgules blanches — de vues de l’espace. Elle se nomme en réalité Poussières.
Daniel Malhão, à l’aide d’un écran noir et de puissants projecteurs, s’est affairé à photographier des particules invisibles en suspension. Le résultat, très proche d’une prise de vue galactique, nous renvoie à la physique quantique et à l’hypothèse que «tout» peut être contenu dans «tout», l’homme n’étant naturellement pas au centre de l’échelle absolue de grandeur. Des univers entiers flottent peut-être autour de nous en permanence, cette photographie par la comparaison qu’elle appelle en est l’expression.

C’est à travers ces trois approches, que Daniel Malhão tente de nous montrer que les façons de mener les processus de fabrication ou de création, questionnent les visibilités des objets considérés.

Daniel Malhão
— Making OF…#2, 2005. Lambda print. 105 x 130 cm.
— Making OF… #1, 2005. Lambda print. 105 x 130 cm.
— Série «Painel Lambda». Lambda print. 52,5 x 65,5 cm.
— Série «Poussières». Lambda print.

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