DANSE | SPECTACLE

Hocus Pocus

28 Nov - 30 Nov 2018

Avec Hocus Pocus, le chorégraphe Philippe Saire livre une pièce conjuguant danse, magie et bizarrerie. À l'aune d'un dispositif aussi simple qu'efficace : deux néons générant une fine couche d'espace de visibilité, sur une scène obscure. Pour un duo onirique et ludique.

Avec Hocus Pocus (2017) [abracadabra, en anglais], le chorégraphe suisse Philippe Saire livre une pièce à la lisière des arts plastiques. Reprenant le dispositif de Vacuum (2015), Hocus Pocus se présente ainsi comme une scène obscure, illuminée par deux néons horizontaux. Persistance rétinienne et regards absorbés : l’espace de représentation devient une sorte de gouffre, d’où émergent et disparaissent des fragments de corps, de personnages oniriques. Comme un théâtre de marionnettes un peu décalé. Au sein de ce dispositif très visuel, deux danseurs — Philippe Chosson, Mickaël Henrotay-Delaunay ou Ismael Oiartzabal — évoluent et se répondent. Sur l’envoûtante musique d’Edvard Grieg, composée pour la pièce d’Henrik Ibsen, Peer Gynt (1866), et arrangée par Stéphane Vecchione. Expérience sensorielle mêlant danse et installation, le jeu de lumières provoque une sensation d’écran, de sortie d’écran. À la faveur d’un travail ciselé de profondeurs de champs, permettant toutes les échappées magiques.

Hocus Pocus de Philippe Saire : un dispositif chorégraphique et magique

Pièce conçue pour les enfants, dès sept ans, Hocus Pocus ne bascule pas pour autant dans la facilité. Le dispositif s’applique à venir perturber le rapport à l’image. Tantôt frontal, tel un théâtre de marionnettes, il suffit que les danseurs s’inclinent pour que s’esquisse une perspective aérienne : comme si la scène était vue de haut. Renversant ainsi la position des spectateurs. Entre théâtre d’ombres et mime, les danseurs y nouent une étrange relation fraternelle, mêlant jeu, lutte et taquineries. Sorte de métaphore d’un voyage initiatique, à la Peer Gynt, les personnages naviguent entre humour et poésie. Accrochés à leurs deux néons bleutés, d’un mètre vingt chaque, délimitant leur espace de déplacement, comme la fenêtre d’un train. Au fil du spectacle, ils tissent ainsi une relation farouche, notamment inspirée par celle des deux frères du Grand Cahier (1986) d’Agota Kristof – premier tome de la Trilogie des jumeaux.

Quand la danse sort de l’écran pour captiver les regards et l’émerveillement

Chorégraphe accordant un soin précis aux perceptions que ces pièces engendrent, Philippe Saire sait jouer avec les clairs-obscurs. Livrant des pièces à la fois minimalistes, et sensoriellement riches. La simplicité amplifiant la force des symboles, distillés de façon ciblée. Une main apparaît, disparaît, semble sortir de nulle part. Ou plutôt, semble sortir d’un trou noir d’où tout pourrait sortir. Chapeau sans fond de magicien : de l’espace entre les néons, Philippe Saire réussit à tirer tout un univers onirique. Comme la toile d’araignée dans laquelle se débattent les deux danseurs, le temps d’une séquence chorégraphique. Si les spectateurs savent qu’un écran peut tout contenir, du plus réel au plus fictionnel, Hocus Pocus joue précisément sur cette limite. Avec des danseurs toujours en passe de sortir de leur boîte à images. Pour un spectacle capable de s’approprier le pouvoir presque magique de l’écran, tout en y creusant d’étonnantes profondeurs sensibles.

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