DANSE | SPECTACLE

Solo

29 Mai - 08 Juin 2019

Avec Philippe Decouflé, la danse contemporaine a quelque chose de puissamment séduisant. Reprenant Solo à Chaillot, il invite de nouveau les publics à le suivre dans un tourbillon de mémoires chorégraphiques. Au sein d'un espace-temps singulièrement pluriel, fait de danse et de vidéo.

S’il est un chorégraphe contemporain français particulièrement connu et reconnu, c’est bien Philippe Decouflé (Cie DCA). Et c’est là une raison suffisante pour se plonger dans Solo (2003). Parce que l’étonnement se niche souvent là où rien ne paraît plus pouvoir surprendre. Chorégraphe et interprète, Philippe Decouflé reprend Solo sur la scène de Chaillot, le temps d’un éclatement du singulier en multiplicités. Jeu d’interactions (avec Olivier Simola et Laurent Radanovic à la vidéo), Solo transforme le corps du danseur en lumières, qui se diffractent et réfractent à l’envi, à l’infini. Brouillant les repères, Solo n’est pas tant l’histoire d’un égo qui se raconte, qu’une exploration du mouvement jusqu’aux lisières de l’impondérable. Souvenirs, ombres, projections, captations en live, démultiplications… Tandis que les hologrammes, avec leur caractère pourtant un peu désuet, s’intègrent de mieux en mieux dans l’espace public, Philippe Decouflé reprend cette pièce où la lumière désintègre la perception.

Solo de Philippe Decouflé : quand la danse contemporaine flirte avec la vidéo

L’année 2019 marque le centenaire du chorégraphe Merce Cunningham (1919-2009). La quarante-huitième édition du Festival d’Automne à Paris lui rendra d’ailleurs bientôt hommage, en lui consacrant un portrait – en parallèle de celui de La Ribot. Lorsqu’il est question de l’hybridation entre danse et technologie, le travail de Merce Cunningham n’est jamais loin. À plus forte raison lorsque, comme pour Philippe Decouflé, l’apprentissage de cette conjonction s’est également faite sous forme de stage auprès de Merce Cunningham, à New York. Souple, intuitif, coloré, Solo prolonge et contrecarre la rigoureuse recherche d’impossible qui hante les pièces de Merce Cunningham. De cette influence, Philippe Decouflé dit avoir gardé « une bizarrerie dans le mouvement, quelque chose d’extrême ou de délirant ». Avec une culture du « déséquilibre, toujours à la limite de la chute ».

Une immersion dans le palais de la mémoire chorégraphique de Philippe Decouflé

Pièce attachante et hypnotique, Solo déploie un Je où chacun pourra puiser et projeter des fragments de soi. Et là où la philosophie d’Immanuel Kant fait de la synthèse du divers des perceptions ce moment constitutif de la personne, Solo tient le milieu entre l’un et le multiple. En jouant avec la succession temporelle comme la distribution spatiale. En bousculant les perceptions des publics, comme un palais de la mémoire espiègle, où les miroirs refléteraient autant qu’ils créeraient. Côté sonorités, Solo n’est pas moins riche en évocations. Composée et interprétée par Joachim Latarjet, la création sonore inclut beatboxing, samples électroniques, trames acoustiques… Pièce joueuse, joyeuse, inclusive, Solo invite à s’immerger dans l’univers foisonnant de Philippe Decouflé. Comme un défilé de numéros un peu burlesques, un peu magiques, très chorégraphiques.

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