DANSE | SPECTACLE

Festival d’Avignon | Saison Sèche

17 Juil - 24 Juil 2018

Chorégraphe joyeusement combattive, avec Saison Sèche, Phia Ménard livre une pièce en forme de rite. Sur scène, huit danseuses s'emparent des codes patriarcaux les plus basiques (pilosité, uniforme), pour mieux les détourner. Du vêtement à la nudité peinturlurée ; de l'oppression au rire.

Avec Saison Sèche, la chorégraphe Phia Ménard (Cie Non Nova) livre une pièce traversée par la colère. Artiste des éléments, venue du jonglage et ayant effectué une transition de genre, Phia Ménard ne se soumet pas à la Nature. Encore moins à la Culture. Après avoir dansé avec de la glace, de l’eau, du vent et de la vapeur, elle s’empare des forces telluriques. Pour dompter le grondement des tremblements de terre qui ouvrent des lignes de faille. Avec leurs glissements de terrain, aux boues visqueuses. Femme et chorégraphe en acte, dans Saison Sèche Phia Ménard génère un rituel pour huit danseuses — Marion Blondeau, Anna Gaïotti, Élise Legros, Phia Ménard, Marion Parpirolles, Marlène Rostaing, Jeanne Vallauri, Amandine Vandroth. Une danse de femmes, pour redonner au patriarcat sa juste valeur. Une pièce qui plonge dans ce qui assèche les relations hommes-femmes : la domination masculine.

Saison Sèche de Phia Ménard : un rite féminin, pour rire du patriarcat

À propos de sa transition, Phia Ménard remarque qu’avant celle-ci, son identité physique d’homme lui conférait une liberté de mouvement, par défaut. Tandis qu’ensuite, par défaut, elle s’est vue devenir une personne à qui étaient perpétuellement rappelées les limites de sa liberté. Une proie. Parfaitement femme, mais inadaptée dans ce rôle de victime soumise, avec Saison Sèche Phia Ménard offre une pièce où rayonne la liberté d’action. Rite guerrier, les performeuses s’y emparent des attributs masculins socialement opérants. Visages enduits de couleur, la pilosité (sourcils, barbe, moustache) y est sursignifiée. Par d’épaisses barres noires, structurant la face verticalement et/ou horizontalement. Façon Groucho Marx, Charlie Chaplin ou même Adolf Hitler. Autant de masques impérieux auxquels font écho d’autres barres de couleur, venant cette fois rayer les seins (en particulier les tétons) des danseuses. Comme autant de bandeaux de censure.

Une ultime pièce chorégraphique pour en finir avec la binarité dominant-dominée

Performance chorégraphique haute en couleur, Saison Sèche scrute un phénomène sociopolitique irrationnel : l’attribution du pouvoir en fonction du sexe. Un propos d’autant plus fort qu’il est porté par une femme génétiquement masculine. C’est bien en choisissant culturellement de devenir femme que Phia Ménard s’est vu « retirer » ses privilèges (liberté, pouvoir, autodétermination). De là à accepter… Rite de chasse, Saison Sèche piste aussi bien les postures de domination, que l’attitude acquise de gibier traqué. Soit ce jeu de mime social censé être rassurant (chacun sa place), mais se révélant desséchant. Sur une composition sonore d’Ivan Roussel, Saison Sèche s’empare des uniformes masculins pour mieux les dépouiller de la peur qu’ils inspirent. Prenant appui sur le film de l’anthropologue Jean Rouch, Les Maîtres fous (1955), Phia Ménard livre ainsi une ultime pièce pour en finir avec le patriarcat. Un rite joyeux, qui accompagne l’effondrement de la maison du patriarche.

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