PHOTO

Peter Land

PPierre-Évariste Douaire
@12 Jan 2008

Peter Land est filmé en train de tomber de bicyclette dans un chemin de campagne. Le scénario invariablement et éternellement répété donne une œuvre où le pathétique pointe entre burlesque et chute, entre "idiotie" et répétition, entre envol et icarisme.

Peter Land, artiste danois, s’exerce au portrait tragicomique à travers la vidéo. Ses actions comme vidéaste sont des portraits charges. Il est la première cible de ses attaques. Son corps est le centre de gravité, le point d’ancrage d’une problématique qui s’appuie sur la chute. Cette dernière se répétant à l’infini produit un art de l’absurde. Entre la figure de l’idiotie, théorisée par Jean-Yves Jouannais, et celle de l’ange déchu, Land semble poursuivre une troisième voie qu’il a lui-même commencé à tracer depuis le milieu des années 90.
Il multiplie des saynètes où la chute et sa répétition sont au centre du dispositif vidéo. Il oppose au Nu descendant l’escalier de Duchamp une dégringolade dans l’escalier avec The Staircase dès 1998. Privé de son piédestal, l’artiste est entraîné dans un tourbillon, dans un ressac qui lui échappe et qui se joue de lui. Depuis, il n’a jamais cessé de tomber, de rejouer ces scènes burlesques et tragiques à la fois.

Entre burlesque et chute, entre « idiotie » et répétition, pris entre envol et icarisme, le pathétique ne reste jamais très longtemps éloigné de l’oeuvre. Ride (2001), la nouvelle vidéo, ne déroge pas à la règle. Cette pièce centrale (et presque unique) de l’exposition est une fois encore une variation sur l’icarisme sisyphien. La scène présentée en boucle montre l’artiste tomber de bicyclette dans un chemin de campagne. Le scénario se répète invariablement et éternellement. Comme l’artiste nous ne savons pas sur quel pied danser, nous ne savons pas comment interpréter, ni même regarder, cette vidéo. Le décalage, l’absurdité de cette chute perpétuelle, provoque alternativement gêne et lassitude.

Peter Land est pris dans une lignée qui pourrait remonter à Icare en passant par le Jugement dernier de Michel Ange pour arriver plus récemment à L’Envol d’Yves Klein. Mais Land évoque surtout les “Falling » photos (1997) et les « Tripping » photos (1995) de Martin Kersels. Cet artiste californien obèse se photographie en train de tomber. Plusieurs clichés le figent dans plusieurs angles d’inclinaisons. Art de poids et de choc, ce travail sur la chute s’articulant sur des triptyques n’est pas sans rappeler le mode d’exposition de Land. Appartenant à la même génération, exerçant tous les deux un art de l’apesanteur et de la verticalité, ils se distinguent peut-être par une façon, pour l’un sérieuse et plus scandinave, et pour l’autre plus « fun » et plus californienne.

Malgré un vrai intérêt pour le travail et la portée de l’oeuvre, son accès demeure ennuyeux et très vite lassant. Il faut laisser venir à nous ce travail important, et ne pas hésiter à le revoir plusieurs fois. En revanche, la transposition des images vidéos sur papier est moins réussie. Les grands dessins sont aussi moins pertinents et assez éloignés de la cohérence de l’œuvre.  

Peter Land
The Ride, 2002. DVD loop. 16 min.
The Ride, 2002. Photographies. 85 x 100 cm.
House in Forest, 2002. Lavis sur papier. 139 x 126,5 cm.
The Cave, 2001. Aquarelle sur papier. 152,5 x 225 cm.
L’Amour n’a pas d’âge, 2002. Lavis sur papier. 77 x 57 cm.
L’Amour n’a pas d’âge II, 2002. Lavis sur papier. 77 x 57 cm.
Lost, 2002. Lavis sur papier. 100,5 x 152 cm.

AUTRES EVENEMENTS PHOTO