ART | EXPO

Personne ici n’est innocent

05 Avr - 10 Mai 2008

Pour Kjersti Andvig, l’art du tricot est le moyen de poser la question éthique de la peine de mort. Pour cette exposition, elle présente la reproduction en laine de la cellule d’un condamné avec lequel elle a entretenu une correspondance épistolaire.

Kjersti Andvig
Personne ici n’est innocent

Kjersti Andvig mène depuis bientôt deux ans un projet à facettes se matérialisant sous la forme d’une suite d’installations explorant les relations historiques et fictives qui lient le tricot, la démocratie et la peine capitale. Elle voit en la figure des « Tricoteuses », ces femmes qui
tricotaient pendant la Révolution Française assises près de la guillotine tout en regardant les exécutions s’enchaîner et les têtes rouler dans des paniers d’osier identiques à ceux où elles stockaient leurs pelotes de laine, l’émergence d’un spectateur dont les pulsions inhumaines
s’incarnent dans la pratique d’une activité domestique machinale. La lente construction du tricot, symbole du tissage de la vie, voisine un voyeurisme cruel, où le ratage d’une maille peut s’assimiler au coup de ciseaux des Parques qui, dans la mythologie grecque, tranchaient d’un coup le fil de la vie du mortel.

Ce projet touche maintenant à sa fin, avec la réalisation de la dernière oeuvre de l’artiste sur ce thème, oeuvre naissant petit à petit de la relation épistolaire d’Andvig avec un condamné à mort détenu dans le couloir de la mort d’une prison du Texas. Elle a pour projet de tricoter entièrement la cellule de ce prisonnier, dans un rapport imaginaire au récit personnel autant qu’à l’architecture physique et mentale de l’emprisonnement. Utilisant des éléments littéraux communiqués par le détenu lui-même (lettres, poèmes, confidences, dessins…), elle tente de construire et de relier par le biais du tricot, tout un ensemble d’informations disparates liées au problème éthique inextricable de l’exécution d’un être humain par un autre.

Tentant d’insuffler un rapport affectif et conceptuel au corps et au temps de la vie et de la rencontre, elle érige avec une lenteur toute pénélopienne un ouvrage à la fois dérisoire et primordial, proche malgré tout d’une certaine idée du monument et de la responsabilité que peut engager un tel acte. L’artiste souhaite clore avec ce projet une réflexion pour elle sans fin. Ce projet trouve pour l’instant une fin inattendue dans le fait que l’exécution de Carlton Turner a été suspendue par la cour suprême le jour même prévu pour celle-ci, le 27 septembre 2007. Carlton est toujours en attente d’une nouvelle date pour son exécution.

Andvig exposera donc à Triangle cette cellule finalisée d’environ 3m de haut et d’environ 10m2, entièrement tricotée par elle.

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