ART | CRITIQUE

Personal Best

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@29 Mai 2011

Un architecte commence toujours par la structure. Il arrive, à l'aide de seulement quelques coups de crayon, à visualiser le futur meuble, la futur maison ou la future ville. Des lignes verticales, des cercles, des formes simples, voici comment Sarah Morris dans sa nouvelle exposition «Personnal Best», retrace les contours de New York.

Un spectateur de galerie d’art commence toujours par observer, mais lorsqu’une musique singulière provenant du fond de la galerie lui titille les oreilles il ne peut s’empêcher d’aller vérifier d’où vient ce bruit. Il passe dans une première salle, puis dans une deuxième et regarde d’un Å“il inattentif les toiles colorées accrochées aux grands murs blanc. Et voilà que dans la salle du fond, derrière trois grandes bandes de plastique blanc qui font office de porte, se cache la projection d’un film.
Ce film, c’est Points On A Line, ce qui signifie «points sur une ligne», il a été réalisé en 2010 par Sarah Morris. La musique qui l’accompagne a été créée par son compagnon Liam Billick. Il dure trente cinq minutes, et ce sont de courtes minutes qui en disent long sur cette exposition.

Les fleurs sont en train d’éclore, les belles couleurs sont au rendez-vous, les insectes bourgeonnent, nous sommes en plein documentaire sur la faune et la flore du printemps. Voici les premières images du film. Mais très vite il change de sujet, et la caméra se focalise sur une grande bibliothèque pleine de livres d’architectes du Bauhaus, créé au début des années 1920’s en Allemagne.
La caméra feuillette brièvement quelques passages de certains livres. Dans le manifeste des architectes révolutionnaires et utopistes du Bauhaus, écrit par Walter Gropius, il est noté: «Le but final de toute activité plastique est la construction». Sarah Morris, elle aussi construit.

Le film est une succession de groupes d’images, très souvent de plans fixes, mis bout à bout. On observe une maison à l’architecture du Bauhaus, ensuite on se trouve dans un luxueux restaurant new yorkais. Chaque groupe d’images annonce le début d’une histoire. Et c’est la caméra qui relie toutes ces histoires. Elle est la colle, le trombone, le liant qui permet l’ensemble. La caméra joue un rôle actif, elle n’observe pas mais elle regarde, elle est curieuse. Tout comme un visiteur dans la maison, elle est intriguée non seulement par la cuisine mais ensuite par le fonctionnement de son robinet, de son placard…

L’idée de construction se retrouve aussi dans les toiles de Sarah Morris. Ce sont des assemblages des formes géométriques. Tout comme un jeu de Lego, elle représente le réel à l’aide de structures simples et colorées. Tout comme les maisons du Bauhaus, ses toiles sont créées à partir de lignes pures et symétriques.
Ce sont des couleurs uniformes, des motifs basiques, des traits droits ou courbés. Tout est épuré au maximum et il ne reste plus qu’un schéma. New York se transforme en de grandes diagonales bleues, noires et jaunes qui finissent par tourner en rond sur la toile.

La particularité des peintures de Sarah Morris, c’est justement qu’elles choquent par la superficialité de leur forme. Ce n’est pas une Å“uvre qui invite son spectateur à la réflexion sociale et politique ou à l’introspection. Elles essaient de se débarrasser de toutes références historiques et de fabriquer une nouvelle forme de vie et d’énergie.

Le titre de l’exposition «Personnal Best», fait référence à un film américain de Robert Town, réalisé en 1987 et qui parle des sportifs de haut niveau. Les tableaux de Sarah Morris reflètent aussi cet esprit de compétition, ses toiles sont dessinées comme la plateforme d’un jeu de stratégie, les différents espaces du tableaux deviennent rivaux, s’affrontent, le tout dans un cadre qui se veut harmonique et simple.

Sarah Morris propose des nouveaux codes de création artistique qui cherchent à s’adapter à sa vision de la vie au XXIe siècle. Une vie tracée dans la simplicité et pourtant pleine de complots et de conflits.

Å’uvres
— Sarah Morris, Tubes (John Hancock), 2011. Household gloss paint on canvas. 152,5 x 152,5 cm
— Sarah Morris, Octo (Clips), 2011. Household gloss paint on canvas. 122 x 122 cm
— Sarah Morris, Hemisphere (Knots), 2011. Household gloss paint on canvas. 214 x 214 cm
— Sarah Morris, Vaaler (Clips), 2011. Household gloss paint on canvas. 152,5 x 152,5 cm

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