PHOTO | CRITIQUE

Perpetual Ending

PMaïa de Martrin
@12 Jan 2008

Zevs est démasqué ! Plus la peine de le nier, si l’artiste français de 28 ans apparaît encore en public le visage masqué par un bas léopard, ses œuvres, elles, ne sont plus pour le moment, des performances urbaines, tags ciblés, ou kidnapping publicitaires attribués à un graffeur cultivant le mystère.

«Perpetual Ending», la très olympienne exposition actuellement présentée chez Patricia Dorfmann apparaît comme une contre marque artistique.

Les quelques téléviseurs allumés, acteurs de cette nouvelle mise en scène, ont été recouverts de peinture noire, signe de deuil d’une société résignée, lobotomisée par la toute-puissance médiatique, saignée par la défaite de la personnalité.
A travers les mots «The End» apparus sur les écrans, s’échappent les images de vieilles séries américaines crétines et abjectes, dans un son approximatif.

Dans la salle du fond, gardée dans la pénombre, se cache le clou de cette exposition.
En son centre surgissent en lettres faites de mousse et résine, les mots «The End» pixélisés. Cette impressionnante sculpture vidéo fait référence à la culture artistique et urbaine du taggeur, peut-être aussi à son rapport à l’art conceptuel.

Si l’ensemble présente un look design, parfait dans une galerie, il demeure plus surprenant chez un artiste qui ne se fixe habituellement aucune frontière. Et puisqu’il dénonce une dépendance télévisuelle qui n’aurait pas de fin, Zeus n’aborde-t-il pas l’idée d’une aliénation artistique dans son propre camp? En filigrane, on devine une démarche subversive et un brin ironique visant à faire dialoguer l’artiste et sa relation à l’œuvre exposée.

Comme pour mieux nous le rappeler, les sept photographies courant le long du mur de l’entrée montrent les actions de Zevs sur le territoire urbain. L’artiste s’était notamment fait connaître en marquant à la peinture blanche les contours des ombres des objets urbains: des poubelles, des feux de signalisation, et même des voitures ou les monuments parisiens…

Diffusée en boucle à la galerie, la vidéo The Homeless (réalisée en 2001 par O’Clock à New York) s’inspire du même processus: un sans abri vient chaque soir dormir à la même place, couché sur le sol. Une nuit, Zevs débarque muni d’une bombe aérosol, délimite à la peinture blanche le périmètre du dormeur, les ombres qui le bercent, puis s’efface discrètement. Le sans abri déconnecté de la réalité, abruti par le temps qui passe, trouve aussi dans cette action une visibilité, une reconnaissance humaine.

C’est tout ce que The End révèle finalement. On est dans une absence de repères, où la notion du visuel médiatique remplace l’émotion instinctive, où l’espèce humaine se retrouve menacée par ses propres peurs qu’elle croit canaliser devant son téléviseur.

The End s’annonce comme un interminable et fatal bourrage de crâne. Zevs parviendra-t-il à déjouer nos automatismes?

English translation : Margot Ross
Traducciòn española : Santiago Borja

Zevs
— Graffiti Illumination, 2005. Boîtier électrique.
— Graffiti Illumination, 2005. Scratching sur 4 néons blancs, peinture routière noire.
— The End – 22 janvier 2006 – Euronews 15:32, 2006. Scratching sur peinture routière noire, téléviseur et câble d’antenne. Diam. : 52 cm.
— The End, 2006. Sculpture vidéo. Peinture routière noire, micro billes de verre sur lettrages en Best Top, projection vidéo sur lettrage découpé, téléviseur factice 67 cm. 79 x 2 x 226 cm (lettrages).
— Poubelle, avenue Philippe Auguste, Paris 2000, série «Urban Shadows», 2006. Photographie couleur contre-collée sur aluminium. 66,5 x 100 cm.
— Feux de signalisation, rue Jean-Pierre Timbaud, Paris 2000, série «Urban Shadows», 2006. Photographie couleur contre-collée sur aluminium. 66,5 x 100 cm.
— Shadow Traffic Light, Marian Platz, Berlin 2002, série «Urban Shadows», 2006. Photographie couleur contre-collée sur aluminium. 66,5 x 100 cm.
— Moulin Rouge, Paris 2000, série «Urban Shadows», 2006. Photographie couleur contre-collée sur aluminium. 66,5 x 100 cm.
— Abribus, rue de Charonne, Paris 2000, série «Urban Shadows», 2006. Photographie couleur contre-collée sur aluminium. 66,5 x 100 cm.
— Feux de signalisation, quai du Louvre, Paris 2000, série «Urban Shadows», 2006. Photographie couleur contre-collée sur aluminium. 66,5 x 100 cm.
— Sculpture, place Zeus, Montpellier 2001, série «Urban Shadows», 2006. Photographie couleur contre-collée sur aluminium. 66,5 x 100 cm.
— Banc public, Montmartre, Paris 2000, série «Urban Shadows», 2006. Photographie couleur contre-collée sur aluminium. 66,5 x 100 cm.
— Underground, Londres 2006, série «Graffiti Illumination», 2006. Photographie couleur contre-collée sur aluminium. 50 x 39,5 cm.

AUTRES EVENEMENTS PHOTO