ART | CRITIQUE

Peintures Aller/Retour

PDamien Dellile
@12 Jan 2008

Le cycle Aller/Retour est, avec cette exposition, consacré à la peinture suisse et géométrique, des années 1940 à nos jours. De la peinture concrète à Zurich et de la mouvance conceptuelle en Europe, jusqu’aux artistes suisses actuels.

Tel est le principe des cycles d’exposition Aller/Retour: offrir une généalogie à des artistes présents et ouvrir un prisme générationnel. La peinture géométrique en Suisse est liée aux histoires des avant-gardes. A partir de l’art concret des années 1940 à Zurich et des figures tutélaires de Richard Paul Lohse et de Verena Loewensberg, la filiation suit le style constructiviste aux formes élémentaires, géométriques et répétitives.
Le travail tardif de Loewensberg prend un tour graphique similaire aux animations de jeux d’arcade, avec la segmentation sérielle de formes rectangulaires. En parallèle des toiles épinglées de Christoph Gossweiller, aux formes unitaires et simples d’une esthétique proche du graphisme industriel, traite de la place du motif géométrique en peinture.

Les mises en résonance des artistes reposent sur motifs ou des traitements de surface équivalents. Entre les compositions en damier aux forts contrastes visuels de Richard Paul Lohse et la stridence des diagonales dans ASTO88 de Stéphane Dafflon, la perception visuelle est mise à l’épreuve. Chez Dafflon, le motif abstrait est renouvelé par un examen de ses qualités décoratives. Loin de l’objet-tableau que l’avant-garde s’est ingéniée à briser, il revisite la décoration d’intérieur dans une série à mi-chemin de l’architecture cool et de la critique de ses fondements.

L’autre partie de la filiation suisse combine des expériences issues du mouvement Op Art avec une peinture «shaped-canevas» liée à l’art abstrait américain des années 1960.
Philippe Decrauzat, avec The Way Out Is To Permutate provoque un déséquilibre du regard par la stimulation rétinienne provenant de la vibration des lignes géométriques répétées. La toile de Luigi Lurati mime la perspective cavalière d’un rectangle par le biais de formes géométriques et d’aplats de couleurs. Cette stylisation s’associe à l’efficacité d’un graphisme froid et «propre» perceptible aussi chez Francis Baudevin.
Dans l’ensemble, une peinture intégrant le spectateur par des jeux optiques, s’oppose à une pratique l’excluant pour mieux rejouer la contemplation esthétique.
Olivier Mosset propose des compositions au motif étrangement suisse et semble renouer avec son radicalisme des années 1970 (ne peindre que des ronds noirs). La toile ostensiblement posée sur un châssis en croix grecque le lie plus avec de l’artisanat. On quitte ainsi le radicalisme strict de l’abstraction géométrique, tout en gardant la forme du logotype. Avec Sans titre de Laurence Pittet, le traitement humide de la surface fait s’évanouir la profondeur géométrique, à mi-chemin entre gestualité et objectivité géométrique.

La démonstration va jusqu’à accoler deux toiles au motif identique, mais aux dimensions et tonalités différentes. L’un à côté de l’autre, Sans titre (2000) de Christian Floquet et What Do I Get? (2006), de Francis Baudevin, confirment que deux toiles, même monochromes, ne sont jamais identiques. Il n’en fallait pas tant pour voir une certaine pointe d’ironie très Neo-Geo issue des années 1980.

Le mérite de cette exposition réside dans la mise en parallèle de parcours et d’œuvres proches. De grands noms de la peinture suisse manquent à l’appel, comme l’éminent Max Bill, qui aurait fait le pont entre l’avant-garde et les «néo» mouvements de la seconde partie du XXe siècle. Ou bien encore John Armleder, afin de prendre toute la dimension référentielle et humoristique de ces jeux de langage picturaux.

Philippe Decrauzat
— Untitled, 2006. Acrylique sur toile. 160 x 130 cm.
— The Way Out Is To Permutate, 2006. Acrylique sur toile. 220 x 220 cm.

Luigi Lurati
— West-End, 1966. Résine synthétique sur bois. 201 x 268 cm.

Richard-Paul Lohse
— Zwei Gruppen aus Extremkontrasten mit blau-grün-roter Diagonale, 1960-1978. Acrylique sur toile.
— Diagonalordnung aus heller Gleichung undKontrast, 1956-1975. Acrylique sur toile.

Stéphane Dafflon
— Asto 88, 2006. Acrylique sur toile. 9 x 270 x 40 cm.

Peter Stämpfli
— Numéro trois – vert, 1998. Peinture vinylique sur toile. 300 x 300 cm.
— Numéro quatre – jaune, 1998. Peinture vinylique sur toile. 300 x 300 cm.

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