ART | CRITIQUE

Peinture sans fin

PPhilippe Coubetergues
@22 Fév 2008

A l’heure des pratiques polymorphes, volontiers spectaculaires, l’œuvre d’André Cadere (mort en 1978) parvient, d’un seul trait de couleurs reconnaissable au premier coup d’œil, à affirmer une forme d’art à la fois nomade, autonome et indépendante qui n’en finit pas aujourd’hui encore de nous interroger sur les finalités spécifiques de l’œuvre.

André Cadere fait partie de ces artistes qui ont marqué leur temps d’une trace indélébile. Ce sont les années post-soixante-huit, période de profondes mutations. Cadere les marque d’un seul trait.
Il vient de Roumanie. Il s’installe à Paris en 1967. Il a 33 ans et se lie d’amitié avec les artistes parisiens qui s’interrogent sur le statut de l’œuvre/objet et celui de l’artiste/auteur, dans une mouvance minimaliste et conceptuelle.

Il choisit la promenade comme modalité d’exposition et la barre peinte comme signe d’inscription. Il déambule, barre à la main ou à l’épaule, dans la rue ou le métro. Il annonce ces déplacements comme des temps d’exposition. Il fait intrusion dans les vernissages. Sa présence sur la scène artistique est perçue comme subversive. C’est sa façon de montrer son travail, sa façon d’être son œuvre. Il choisira aussi de déposer ce signal sous forme unique ou multiple et de façon plus durable, à l’occasion d’expositions collectives puis personnelles.

Cette barre colorée (au départ simple baguette peinte) est composée de segments cylindriques (dont la longueur est égale au diamètre) assemblés selon un système simple d’alternance et de permutation intégrant à chaque fois une erreur (ainsi chaque barre est unique). L’objet est sans orientation particulière, variable de teintes et de dimensions. C’est — de ses propres mots — une «peinture sans fin» qui peut être accrochée au mur, posée au sol, présentée de façon temporaire et déplacée d’un lieu à l’autre.

L’exposition reprend les différents dispositifs «d’accrochage» auxquels André Cadere eut recours: série de barres disposées parallèlement au sol ou suspendues au mur, barre unique adossée à un angle, barre posée sur rebord, etc. Ces dispositions étaient spécifiquement conçues en fonction des configurations de chaque site. L’exposition témoigne également de façon émouvante et sous forme documentaire (photos, films, entretiens, etc.), de sa courte et intense activité artistique.

Le Musée d’art moderne de la Ville de Paris, en collaboration avec la Staatliche Kunsthalle de Baden-Baden et le Bonnefantenmuseum de Maastricht, a choisi de nous faire redécouvrir l’une des démarches les plus significatives et les plus singulières des années 1970. Cette exposition constitue la première présentation d’ensemble du travail d’André Cadere depuis plus de dix ans. Elle s’inscrit dans la lignée de celle de PS1 à New York (1989), de l’«Hommage à André Cadere» au Musée d’art moderne de la Ville de Paris (1992) et de l’exposition au Kunstverein de Munich (1996).

A l’heure des pratiques polymorphes, volontiers spectaculaires et souvent volatiles, cette exposition témoigne avec à propos d’un geste discret — s’il en est — resté étonnamment présent dans les mémoires. D’un seul trait de couleurs reconnaissable au premier coup d’œil, André Cadere est parvenu à affirmer une forme d’art à la fois nomade, autonome et indépendante qui n’en finit pas aujourd’hui encore de nous interroger sur les finalités spécifiques de l’œuvre.

André Cadere
— Promenade sur l’avenue des Gobelins pour l’exposition organisée par la Galerie des Locataires. Paris, avril 1973.
— Invitation de la Galerie des Locataires. Paris, avril 1973.
— Photographie, 1974.
— Photographie, 1974.
— Vue d’installation. Galerie Françoise Lambert. Milan, mai 1977.
— Invitation de la Galerie Banco. Brescia, mai 1975.
— Peinture sans fin, 1972. Barre de bois rond.
— Vue de l’exposition « Peinture sans fin » à la Staatliche Kunsthalle de Baden Baden.

AUTRES EVENEMENTS ART