PHOTO | CRITIQUE

Patrick Tosani

PJulia Peker
@12 Jan 2008

Patrick Tosani imbrique surfaces et volumes, utilisant l’extrême réalisme de la photographie pour rendre méconnaissable la matière des objets les plus familiers.

Cuillères, talons, ongles, vêtements, Patrick Tosani photographie les objets les plus familiers, ceux sur lesquels le regard s’est habitué à glisser. Cadrés de très près, agrandis, ils sont prétextes à des séries surprenantes, renouvelant de fond en comble la tradition picturale de la nature morte. Loin de délivrer des fragments de vie pétris de naturalisme, ces images mettent en question la représentation photographique..

Pour sa première exposition à la galerie Claudine Papillon, Patrick Tosani a choisi de mêler différentes strates temporelles : un exemplaire des Chaussures de Lait rappelle des travaux plus anciens, tissant une continuité avec les série récentes des Pantalons et des Maquettes.
Chacune de ces photographies agence à sa manière les rapports complexes entre photographie et sculpture, surface et volume.

Les Pantalons sont mis à plat sur le sol, imbibés d’une eau luisante: gorgés, ils prennent alors des formes froissées, comme s’ils portaient l’empreinte d’un corps disparu. Sculptés par l’humidité, ces vêtements abandonnés sont livrés à l’improbable puissance formelle de leur matière.
Dans la série antérieure des Chaussures de Lait, le liquide venait remplir le vêtement, le gonfler de l’intérieur. Substituant le lait au plâtre, Patrick Tosani faisait le choix d’une matière mouvante et débordante, élaborant une forme en perpétuel devenir, méconnaissable sous ses transformations.

Dans les Pantalons comme dans les Maquettes, la matière est métamorphosée en surface: aplatie dans le cas des vêtements, projetée sur un volume dans les Maquettes.
Pied, visage, coupe de chaussure ont été photographiés, puis projetés en diapositive sur des volumes relativement simples, bien souvent des éléments d’architecture. L’image du corps est constituée de seuls rayons lumineux, mais les formes sur lesquelles elles se déploient ne sont pas de simples écrans. Elles imposent leur volume propre à l’image qu’elles diffusent, la sculptant de manière indirecte.
Un immense fragment de cheville occupe ainsi la surface blanche d’un cube éventré par une ouverture : transpercé par ce creux, modelé par les trois dimensions du cube, ce morceau de corps devient méconnaissable.

Ces interventions sculpturales ne sortent pas du champ de l’atelier : les images de Patrick Tosani expérimente la planéité de la représentation photographique. Pantalons et Maquettes sont des volumes mis à plat, des matières arrachées à leur contexte naturel, à leur forme habituelle.

Par leur taille imposante, ces photographies imposent leur espace propre : l’horizontalité du pantalon étalé sur le sol se dresse dans toute sa verticalité, les volumes de corps projetés sur des maquettes se découpent sur une pure surface plane.

En choisissant des objets simples et familiers, il concentre l’attention sur la représentation du réel. L’extrême réalisme du procédé photographique se retourne ainsi contre lui : par sa puissance de précision, il capte la profonde densité de la matière, mais la transforme en image.

Patrick Tosani
— Transpercement, 2006. Photographie couleur c-print. 171 x 221 cm.
— Les Chaussures de Lait III, 2002. Photographie couleur c-print. 92 x 120 cm.
— Noir Étiré, 2005. Photographie Couleur C-Print. 93 x 144 cm.
— Noir ovale, 2005. Photographie couleur c-print. 103 x 147 cm.
— Visée, 2006. Photographie couleur c-print. 54 x 42 cm.
— Pensée, 2006. Photographie couleur c-print. 54 x 42 cm.
— Paysage, 2006. Photographie couleur c-print. 164 x 212 cm.

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