ART | EXPO

Patrick Saytour

11 Jan - 22 Fév 2014
Vernissage le 11 Jan 2014

Depuis ses premières œuvres Support/Surface, Patrick Saytour fonde son travail sur une approche déconstructiviste de la peinture. Attaquant les prétentions essentialistes de la grande métaphysique de l'art, et la mythologie du génie masculin héritée du modernisme, son œuvre repose tout entière sur une rhétorique de l'ornement et de la surface.

Patrick Saytour

Depuis ses premières Å“uvres Support/Surface, Patrick Saytour fonde son travail sur une approche déconstructiviste de la peinture, de ses codes, de ses modes de production et de valorisation. Attaquant, avec un ironie jubilatoire, les prétentions essentialistes de la grande métaphysique de l’art, et la mythologie du génie masculin héritée du modernisme, l’Å“uvre de Patrick Saytour repose tout entière sur une rhétorique de l’ornement et de la surface. Celle-ci opère par la mise au point de techniques de «rechange» au signe-peinture, puisant ses gestes et ses matériaux à la périphérie de l’habitat populaire, de l’artisanat et du vocabulaire théâtral.

Réduit à son parergon, à l’accessoire, au cadre, à la couleur, au matériau, au pattern, au mur, le signe-peinture se désarticule et se perverti, ouvrant une interrogation fondamentale sur le statut «objectif» et contingent de l’Å“uvre d’art.

Depuis ses premiers travaux des années 60, les patterns décoratifs des découpes de tissus fleuris viennent régulièrement jouer l’équivalence avec la toile comme dans Sans titre (1967); «habillage» à la surface duquel l’artiste opère par une brûlure répétée sur chaque motif dans un jeu d’oblitération et de découvrement, de répétition et d’altération qui font coïncider l’accident et le système.

Les procédures de la ligature et de la brûlure que Patrick Saytour à exploré pendant la période Support/Surface, seront déclinés sur de petites peintures-objets «archaïques» réalisées à partir de moulage de terre cuite oxydés, noués dans un jersey qui sera brûlé lors de la cuisson. Rassemblées par taille et par forme sur une table, ces ersatz picturaux interrogent la notion de modèle et de multiple.

Convoqués à titre d’anti-modèles picturaux, les tapisseries décoratives, fourrures synthétiques, drapeaux, découpes de Balatum imitation marbre, luminaires, peintures de genres bon marché ou les panoplies de déguisement d’enfants jouent à visage découvert le jeu de l’illusion. Choisis et assemblés en fonction de propriétés formelles objectives, comme la couleur, le motif, le matériau, ou l’échelle, ces objets sont ensuite soumis à une série d’opérations de marquages, comme le découpage, le pli, l’encadrement, la suture, le rapiéçage, le recouvrement.

L’artiste applique parfois de la peinture comme sur les Gloires, découpes de fourrures partiellement rasées puis encadrées sur lesquelles sont peints des motifs «à la manière de» (la grande peinture abstraite). Ce procédé pictural engagé dans les années 80 a récemment fait l’objet d’une «reprise» dans un cycle d’Etudes dont le style «barbare» pourrait puiser son inspiration dans les peintures rupestres comme dans le vocabulaire néo primitif des peintres du Blaue Reiter.

Alors que Support/Surface fête ses vingt ans, Patrick Saytour joue de l’auto parodie et engage une série de compositions «hommage», comme les Nubas, confectionnées à partir de déguisement d’enfants pliés, disposés dans des boîtes américaines partiellement oblitérées par des morceaux de feutre, puis triomphalement accrochées au mur. Moquant les procédures solennelles d’intronisation de l’histoire de l’art, réduites ici à une opération de mise en boîte, l’artiste prolonge sous l’angle du dialogisme carnavalesque la gestuelle fondatrice de son travail: toujours le pliage, la découpe, le recouvrement, autant de procédures désormais ramenées au «jeu d’enfant», se répétant et se citant sans jamais pouvoir s’épuiser, dans une production que fait proliférer la re mise-en-scène.

C’est depuis le début des années 90 que Patrick Saytour applique à son Å“uvre le principe de la reprise, recommençant, modifiant, copiant, «corrigeant», des pièces anciennes dont il applique pour certaines le dispositif d’élaboration à de nouveaux ensembles d’Å“uvres. Ce jeu du pli et de la répétition appliqué à l’échelle d’une Å“uvre, d’une carrière, entend contester tout principe évolutif , tout linéarité supposée obéir à la règle du progrès et du nouveau: plier le temps, ramener les bords au centre, l’extrémité du présent actuel sur le passé inactuel, et réciproquement, c’est, pour Patrick Saytour, inscrire son Å“uvre comme non advenue; c’est tenter de faire devenir ce qui est déjà advenu et qui pourtant ne cesse de revenir.

C’est le cas notamment de ces peintures sur fourrure imitant des dessins de la fille de l’artiste, dans une hypothétique et bégayante tentative de recapturation de l’enfance qui inverse le jeu de la filiation, et désorganise la hiérarchie entre la copie et le modèle. Ce travail infini du recommencé, Patrick Saytour l’applique aux Célébrations des années 60, dont les ré-interprétation récentes reprennent le travail sur le vêtement, comme ces composition de jeans aux «toiles» ornées de croix peintes, «classés» et rangés sur des patères clouées au mur. Toujours ce même travail de marquage et de déconstruction du cadre, de la toile, du modèle au moyen de systèmes qui contiennent toujours leur propre effondrement, pour finir par se donner comme poétiquement «plausibles».

Malgré ce méthodique et hérétique travail de vidage du signe-oeuvre, l’Å“uvre de Patrick Saytour libère une charge d’affects immédiate, sensuelle et «proche du corps», y compris lorsqu’elle ne cesse de crier son absence de corps. Elle dit dans sa poésie concrète du pli et de la surface que le geste de re-prise est à la fois le fatum de l’artiste, mais la manifestation d’un impondérable point d’hétérogénéité.

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