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Pas un jour sans une ligne

PMathilde Villeneuve
@12 Jan 2008

Par delà les mouvements, les pratiques et les supports de l’art contemporain, le dessin continue à se développer, à se transformer, à commenter avec poésie, humour et acidité le monde d’aujourd’hui. Aussi bien sous la main des dessinateurs de presse que des artistes : Philippe Mayaux, Miguel Egana, Willem et Daniel Johnston.

Le titre « Pas un jour sans une ligne » est emprunté à Pline l’Ancien qui désignait ainsi la fécondité du peintre grec Apelle. Il évoque la forte production actuelle de dessins drôles ou mélancoliques, provocateurs ou caricaturaux.

Pour Charlie hebdo puis pour Libération à partir de 1986, Willem exprime sa vision du monde et de la politique dans des dessins qu’il considère modestement comme de « petites blagues ».
D’un trait vif, il ridiculise et ironise. Considérant que l’on « peut tout faire avec des corps », il les étire, les renverse pour dénoncer les aliénations politique, sociale ou économique. Un homme est transformé en wc, accroché par le col à la chasse d’eau ; une femme androgyne en talons hauts recrache par la bouche la fumée d’une pipe sortant de son sexe. Une galerie de positions sexuelles, de déjections en tous genres, de pénétrations multiples côtoient la galerie des acteurs du monde de la politique. Willem cherche à « stimuler à la fois le plaisir et le sens critique des gens », accrocher le regard et séduire par l’humour.

Avec un trait délicat, Miguel Egana raconte des histoires d’inspiration surréaliste : des situations absurdes, voire grotesques, déjouent les codes et les stéréotypes du langage. Les dessins fonctionnent par condensation des signes et mettent en scène des personnages contraints et inquiets dans des actions impossibles.

Dans le registre des comics, le musicien de la scène rock Daniel Johnston décline avec vivacité des super héros américains, en particulier le célèbre Captain America inventé par Jack Kirby.
Les personnages combattent sous leur masque et défendent le sort de l’humanité, écrasent à grands coups de pieds leurs ennemis, traînent des squelettes et poussent des cris de vainqueurs. Le trait est épais, le coloriage esquissé et les protagonistes toujours en mouvement.

Plus sombres, les dessins de Philippe Mayaux, seul artiste de la galerie présent dans cette exposition, composent des mondes aux colorations plus énigmatiques. Les dessins au feutre plume sont tirés du livre de coloriage pour enfants Art y es-tu?, édité par une maison d’édition qui publie également des dessins d’artistes (Annette Messager, John Armleder ou Jean-Luc Verna).
Au fil des pages apparaissent des figures ambiguës et cauchemardesques, entre l’innocence et la cruauté enfantines.
Une petite fille entourée de deux ours inquiétants, comme ses propres jouets qui la menacent ; un alignement d’ours en peluche clonés aux allures de robots en pleine marche militaire et mécanique.
Si la peinture de Philippe Mayaux s’établit dans la lenteur, dans la réflexion et la distance, ses dessins se situent dans l’immédiateté. Obsédé par le mouvement et les devenirs, son dessin se fait philosophie de la vie, combat contre toute forme de stabilité, contre l’ordre moral. Au lieu du noir et du blanc, Philippe Mayaux, comme il le dit poétiquement, « mélange du gris et du miroir » .

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