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Paris Project Room

PSandrine Moreau
@12 Jan 2008

Paris Project Room n’est pas une galerie. C’est une aire d’expériences artistiques qui veut abolir la traditionnelle frontière entre “art” et “réalité”, et établir des rapports avec le public conformément à cette formule de Duchamp: le ready-made est légitime que s’il peut être réciproque...

Paris Project Room est un espace d’expérimentations artistiques ouvert depuis mars 2001. Il a vu le jour sans aucune subvention, mais grâce à la volonté énergique de deux plasticiens : Seul-gi Lee et Simon Boudvin.
Ce petit local de 17 m2 situé par choix dans le quartier cosmopolite et populaire du Faubourg-Saint-Denis, dans le Xe arrondissement de Paris, se présente comme un bureau, une boutique avec pignon sur rue : trois mètres de longueur de vitrine.

Les murs de Paris Project Room sont de couleur gris clair. On est loin du grand cube blanc des galeries traditionnelles. L’étroitesse du lieu révèle une insertion dans un quartier très peuplé, une cohabitation dans un espace urbain réduit. Cette exiguïté est aussi le signe d’une modestie financière.

Mais l’action menée par l’équipe n’est qu’une question d’image. On peut lire sur le site internet : « Paris Project Room n’est pas une galerie. Pour y comprendre quelque chose, il faudra y faire un contre-pas. Imaginez que tout ce qui se trouve à l’extérieur de cet espace est art et que tout ce qui se présente à Paris Project Room est réalité. Chaque exposant est tenu de partir de cette hypothèse pour nous proposer une ou sa réalité. La traditionnelle frontière entre les catégories “art” et “réalité” se trouve toujours au seuil de la porte, mais cette fois-ci nous reconsidérons les choses et retournons leur relation comme une chaussette. Le lieu se pose alors comme une aire d’expériences qui rend visibles les projets naissant sur le terreau réel, qui offre le socle pour fonder ce qui va suivre. Il ne s’agit pas seulement de nommer le chat “chien” et le chien “chat”, mais de briser le cadre doré, de proposer aux acteurs, aux musiciens sur scène de regarder jouer le public sur les gradins, d’entendre leur respiration comme leur musique, leur vie comme leur décor. On a trop vite réduit la sentence duchampienne pour en tirer profit : le ready-made est légitime que s’il peut être réciproque… »

Et cela est signé Marcel Wallace, personnage fictif créé par See-gi Lee et Simon Boudvin. Une nouvelle marque d’humour, une autre manière de briser le cadre doré.

Leur humour est générateur d’une formidable créativité. En un an, vingt-cinq expériences-événements. Ce qui les a intéressé, c’est de créer des couples artificiels d’artistes, de présenter au minimum deux artistes à la fois, de les exposer ensemble afin d’explorer les expériences de collaborations, de cohabitations. Deux pièces personnelles qui réagissent entre elles ou une pièce commune : « Dès le départ ce qui est moteur, c’est la volonté que cet espace ne soit pas une vitrine à ambitions, mais un support à projets », déclare Seul-gi Lee.

Dès la première exposition, l’échange entre l’artiste et le lieu fonctionne. Charlotte Beaurepaire réalise une installation transparente avec du mobilier qui fait apparaître l’espace nu. Gaël Amzallag dispose 15 mille billets de banque en vente par liasses. Chaque billet correspond aux objets que l’artiste possède chez lui.
Autour de Take a Way, Julie Morel et Ileana Gonzales explorent chacune leur biographie. La première a photographié dans la banlieue de Lyon les lieux d’habitation de personnes décédées le jour de sa naissance. Les images sont reproduites sur des gâteaux d’anniversaires comestibles, partagés et consommés à la fin de l’exposition. Ileana Gonzalez présente des images et le discours à La Sorbonne du président du Venezuela, son pays d’origine.
Julia Rometti dialogue à distance avec Santiago Reyes. Elle projette ses images prises lors d’une résidence à Budapest. Santiago Reyes parti lui-même dans la capitale hongroise répond quotidiennement sur un répondeur à « How do You Feel in Budapest ? ».
Pour l’aménagement Instant Background c’est une même sensibilité plastique qui semble découler du couple Soyoung Chung et Michèle Wallerich. Le papier peint et la pièce sonore de l’une forment une unité avec l’installation-paravent de milliers de confettis de l’autre.
Nicolas Chardon et Gyan Panchal ont manifesté la volonté de travailler ensemble. Ils ont présenté plusieurs pièces personnelles qu’ils ont confrontées. Nicolas Chardon expose par son travail pictural tout le processus de réalisation. Dans un complément à une réflexion sur l’exposition, Gyan Pansal réalise une table découpée et des étagères de rangement sans ouverture.
Cécile Hartmann perçoit le local comme une salle d’attente. Elle y dispose des valises-tableaux. Celles-ci étaient confrontées à une vidéo de Luidji Beltrame : des morceaux de films montrant un mannequin qui s’ennuie.

Aussi ces projets communs furent souvent une prise en considération du corps du lieu. Paolo Code, lors d’une cohabitation avec Simon Boudvin, explore le volume perturbé de Paris Project Room. Il construit des volumes en bois peints en gris qui semblent se superposer à la structure originale. Puis il filme son déplacement dans cette architecture comme une circulation dans la ville. Simon Boudvin propose, lui, un déplacement plus aérien dans une installation de petits capteurs solaires.

Le couple artificiel d’artistes n’est cependant pas une formule systématique. Il s’agit parfois d’un travail plus largement collectif. Rada Boukova, Anne-Claire Budin et Elodie Huet forment une agence et cherche leur « héros » : stagiaire administrateur, autonome, rigoureux, ayant goût pour l’art contemporain. Ainsi dans le local de Paris Project Room, elles organisent avec le consentement des candidats des entretiens filmés.
Pour l’exposition de l’été 2001, Marcel Wallace s’est inspiré des ateliers de confection du quartier. Il présentait une cabine d’essayage et, sur une simple tringle, une centaine de t-shirts aux prix parfois symboliques, créés par soixante-quinze artistes et cinq stylistes : une nouvelle expérience de l’organisation.
Noël a donné lieu à l’installation d’une «Chambre d’hiver» — table, sapin de Noël, peluches, baskets, aquarium, lampes, affiches, oreiller — aménagée par cinquante-trois artistes. Une chambre entièrement visible qui semble vouloir résonner comme un espace d’accueil.
Cyril Dietrich sollicite directement les gens du quartier par voie d’affiches, certaines traduites par exemple en turc. Il leur demande d’apporter des vêtements qui, une fois cousus, forment un tissu social. A partir de cette pièce il invite à la discussion sur son utilisation : habiller l’immeuble ? faire un tapis humain ?

Des installations, performances ou expériences personnelles ont aussi leur place : Hsia-fei Chang plagie lors d’un faux concert-karaoké des chanteurs de variété française au milieu d’ordures ménagères du quartier. Fin mars 2002, c’est à nouveau un collectif de huit artistes qui se réunit autour de Fresh, bar interactif à projets, où le breuvage est une solution de la contribution de chacun.

C’était aussi une manière de passer le relais administratif et organisationnel à une nouvelle équipe d’artistes : Cyril Dietrich et Paolo Code — assistés de Christelle Spano, Yann Coleno, Stephan Decker. Ils ont suivi l’aventure depuis le début et souhaitent la poursuivre tout en la faisant évoluer. Peut-être avec l’aide de subventions, ils pourront répondre à de multiples propositions : celles de nombreux artistes, venant parfois de l’étranger, de galeries de la rue Louise Weiss, d’institutions comme l’ARC ou le Palais de Tokyo.
La nouvelle équipe de PPR s’élance avec énergie au rythme soutenu d’un événement par semaine.

Historique des expositions
2001
— 30 mars-15 avril : Gaël Amzalag et Charlotte Beaurepaire.
— 27 avril-13 mai : Bernard Joisten et Seul-gi Lee, Quiproquo.
— 25 mai-10 juin : Nicolas Chardon et Gyan Panchal
— 20 juin : Propolisbonbon.
— 22 juin-08 juil. : Paolo Code et Simon Boudvin, Noctambule.
— 20 juil.-5 août : Boutique d’été regroupant des t-shirts faits par :
Adam Adach, Ndad Ajkic, Emmanuelle Aureille-Bouaziz, Charlotte Beaurepaire, Raphaële Bidault-Waddington, Karina Bisch, Elodie Blanchard, Simon Boudvin, Rada Boukova, Anne-Claire Budin, Blanca Casas-Brullet, Anne-Claire Budin, Laetitia Carlotti, Carole C, Hsia-fei Chang, Nicolas Chardon, Paolo Code, Paul Coudamy, Céline Coville, Cyril Dietrich, Reynald Drouhin, Aymeric Ebrad, Robert Estermann, Simonetta Fadda, Martial Galfione, Alexandra Gaïta, John Gerrard, Ileana Gonzalez, Dominique Gonzales-Foerster, Marianne Guaino, Clarisse Hahn, Marion Hanania, Cécile Hartmann, Elodie Huet, Infozone, Jake, Luvie Jean, Bernard Joisten, Karin Knoepfle, Fleur Lallement, Ange Leccia, Seul-gi Lee, Christelle Lheureux, Sidonie Loiseleux, Laurent Mareschal, Julie Marteau, Olive Martin, Mô Moreau, Gyan Panchal, Manon Pascaud, Adrien Pasternak, Stéphane Pichard, Pribluk r, Noëlle Pujol, Nathalie Rao, Manuel Raeder, Thomas Sabourin, Golria Safont-tria, Nina Sidow, Kristina Solomoukha, Thiery Théolier, Ellen Treasure, Ilona Tikvicki, Sato Toshinari, Rémi Uchéda, Amélie Vial, Alise Waline, Sandrine Weissenburger, Sanford Wintersberger, W.lms, Przemo Wojciechowski, Anatole Yassef, Virginie Yassef.
— 17 août-02 sept. :Anne-Claire Budin, Était 2001.
— 07-10 sept. : Nina Sidow et Laurence Vincent, Automne.
— 14-30 sept. : Julien Berthier et Virginie Yassef, Demi-Détail-Gros.
— 12-28 oct. : Karina Bisch et Kristina Solomoukha.
— 02-5nov. : Ileana Gonzalez et Julie Morel, Take a Way.
— 10-25 nov. : Julia Remetti et Santiago Reyes, Budapest Project Room.
— 30 nov.-4 déc. : Raphaële Bidault-Waddington, Bulle-Poéticospéculative.
— 6-10 déc. : Cyril Dietrich, Atelier.
— 14-23 déc. : Chambre d’hiver.
Stéphane Albert, Blanca Casas-Brullet, Andy Bolus, Frédéric Pradeau, Mathieu Mercier, Gyan Panchal, Nicolas Chardon, Soyoung Chung, Guillaume Bruère, Lucie Jean, Cyril Dietrich, Virginie Yassef, Julien Berthier, Simon Boudvin, Ludovic Burel, Michèle Walerich, Sinae Kim, Kim Waldron, Laetitia Paviani, Jean-Baptiste Bayle, Emmanuelle Lainé, Mick Dietrich, Paolo Code, Fleur Lallemant, Seul-gi Lee, Béa Retting, Julia Staniszeska, Sophie Dubosc, Antoine Chapenoire, Sabine Jamme, Beat Hubert, Emma Rapin, Julie Coutereau, Anabelle Zigova, Hee-sook Yu, Rada Boukova, Mixmaster Francis Bertrand, Anne-Claire Budin, Noa Giniger, Keren Benbenisty, Charlotte Fleurance, Stéphanie Bouvier, Laurent Mareschal, Hsia-fei Chang, Jean-Luc Vilmouth, Elodie Huet, Ellen Treasure, Yann Coleno, Sato Toshinari, Eric Landan, Aymeric Ebrar, Simon Boudvin, Sigrid Pawelke.

2002
— 4-10 janv.: Cécile Hartmann et Luidgi Beltrame, Convenant.
— 12-20 janv.: Jake et Jimmy T. et Hervé Gio, Thank You.
— 25-28 janv: Rada Boukova et Anne-Claire Budin et Elodie Huet, L’agence cherche son stagiaire administrateur. Comptable, exp. en gestion financière et relations tiers (client, fournisseur, banque). Aisance word, excel,, 25/30 ans, brun, autonome, responsable, rigoureux, esprit d’équipe, goût pour l’art contemporain.
— 1-4 févr. : Hsia-fei Chang et guests surprise, Hsia-fei Sings.
— 8-11 févr. : Ellen Treasure et Ben Wright, Blaze of Embers (feu de braise).
— 15-18 févr. : Carole C. et Pascale Jardino et Laurent Mareschal et Tami Notsani et Mona Oren, Blanc.
— 22-25 févr. : Blanca Casas-Brullet et Nathalie Rao, Pas.
— 1-4 mars : Soyoung Chung et Michèle Walerich, Instant Background.
— 9-11 mars : Virgine Yassef et Julie Coutureau, Les Bonds.
— 15-27 mars : Charlotte Beaurepaire et Simon Boudvin et Paolo Code et Sabine Jamme et Seul-gi Lee et Frédéric Pradeau et Julia Rometti, Fresh.

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