ÉCHOS
25 Jan 2010

Paris-New York: aliénabilité ou inaliénabilité des œuvres des collections publiques…

PMarie Bertin
@

A New York, où la crise financière pousse les musées publics à vendre certaines œuvres de leurs collections, une résistance s’organise contre les dangers d’une privatisation rampante. Tandis qu’en France, où l’inaliénabilité est la règle, une offensive libérale voudrait l’abolir…

Face à la crise financière, plusieurs musées de l’État de New-York ont pris le parti de céder certaines œuvres de leurs collections, ce qui fait craindre à une partie du monde de la culture new-yorkais une privatisation trop importante des collections publiques. Un colloque était organisé le 14 janvier 2010 autour de la question: faut-il ou non légiférer, et éventuellement interdire, la vente d’oeuvres d’art par les musées publics?

Car aux Etats-Unis la cession des œuvres ne sont pas expressément interdites par la loi, elles sont seulement limitées. Sans être astreints au respect du principe d’inaliénabilité, les musées s’engagent à respecter plusieurs textes (codes de déontologie, recommandations professionnelles, directives administratives, etc.) qui limitent les possibilités d’aliénation.

Les ventes doivent par exemple concerner des oeuvres qui font doublon, ou qui s’intègrent mal à la collection. De plus, ces ventes doivent se dérouler dans des conditions de totale transparence, selon une procédure rigoureuse — en enchères publiques —, et pour enrichir les collections.

Mais, son caractère non contraignant a rendu l’engagement vulnérable face à l’actuelle crise financière. La vente est souvent devenue la seule façon de maintenir la trésorerie en équilibre.
L’Association des musées de l’État de New-York propose donc une loi pour interdire formellement aux musées de vendre des oeuvres pour assurer les «dépenses ordinaires et de fonctionnement courant», mais en acceptant les ventes destinées à de nouvelles acquisitions.
De nombreux directeurs de musées restent cependant hostiles à l’interdiction et réclament le droit à l’exception. Ce que Richard L. Browski, représentant de l’Etat de New York, récuse catégoriquement.

Le débat new-yorkais est en quelque sorte l’envers de celui qui a cours en France depuis 2007 sous l’impulsion du gouvernement qui invite à «réfléchir à la possibilité pour les opérateurs publics d’aliéner des oeuvres de leurs collections sans compromettre le patrimoine de la nation».

En France, le principe d’inaliénabilité du domaine et des musées publics existe depuis le XVIe siècle (1566), et a été confirmé par la loi n° 2002-5 du 4 janvier 2002 relative aux musées de France qui stipule que «les biens constituant les collections des musées de France appartenant à une personne publique font partie de leur domaine public et sont, à ce titre, inaliénables».

En 2006, un rapport commandé à Maurice Lévy et Jean-Pierre Mouyet par la ministre de la Culture Christine Albanel a remis ce principe en question et préconisant la possibilité de vendre ou de louer des oeuvres appartenant aux collections publiques.
En mars 2007, le député Jean-François Mancel a proposé sans succès une loi obligeant à distinguer «les trésors nationaux» et les oeuvres «libres d’utilisation».
Finalement, un nouveau rapport confié à Jacques Rigaud a réaffirmé en 2008 le principe de l’inaliénabilité des oeuvres appartenant aux collections publiques. Et la ministre a approuvé.

La volonté du gouvernement de «lever les tabous de la politique culturelle française» n’aura donc, pour l’heure, pas encore réussi à «libéraliser» la circulation marchande des oeuvres publiques.
Tandis que la crise économique ne semble pas suffire à totalement convaincre les new-yorkais de verrouiller leur patrimoine. A chaque culture sa méthode.

AUTRES EVENEMENTS ÉCHOS